A l’instar de plusieurs pays d’Afrique, les autorités guinéennes ont décrété l’état d’urgence sanitaire pour contrer la propagation de coronavirus. Des frontières terrestres ont été fermées, ainsi que les Eglises et les Mosquées. À cela, s’ajoutent plusieurs autres mesures pour limiter la propagation du virus.
Toutefois, ces mesures ont eu un impact sur le flux migratoire. Des données recueillies par l’OIM indiquent que les migrations régionales ont chuté de près de 50% au cours du 1er semestre 2020 (par rapport à 2019) en raison des restrictions de voyages imposées par les gouvernements pour empêcher la propagation de la COVID-19. A croire l’OIM, au moins 33000 immigrants sont actuellement bloqués aux frontières, y compris dans des centres de transites surpeuplés en raison des restrictions de mobilité imposées par la COVID-19.
Hamzata Baldé originaire de Mamou qui frise la vingtaine a décidé de quitter Conakry où il vivait avec sa famille, au péril de sa vie, pour tenter de rejoindre l’Europe, dans l’espoir d’une vie meilleure. Il quitte son pays en 2017. Son aventure et celle d’autres migrants ne sont pas enviables. Le voyage d’une ombre avec pour seul bagage, la volonté de réussir. Une longue route épuisante que d’autres ne terminent pas.
La pandémie s’est déclarée alors qu’il était au Maroc. Mais, après avoir surmonté plusieurs péripéties, Baldé décide de rentrer au bercail. Et il explique ce qu’il a vécu sur ce chemin d’exil
« La pandémie m’a trouvé au Maroc. C’était très dur. Tout était presque à l’arrêt. Les frontières étaient fermées. La mobilité des gens était réduite. Beaucoup d’entre nous qui travaillaient ont vu leur activité ralentir et les répercussions se sont vite ressenties sur notre mode de vie » a-t-il expliqué
Au Maroc, des aides d’urgence dues à la pandémie ont été mises en place pour les plus pauvres, mais ce n’est pas pour les migrants. Le confinement dans le pays a encore aggravé la situation
« malgré les mesures d’accompagnement par le gouvernement, les bailleurs venaient réclamer les prix de location des maisons. On n’avait pas le choix, on se débrouille pour payer, sachant que rien ne bougeait pour nous. Je remercie le père Antoine qui nous a beaucoup aidés dans ce sens ».
Plusieurs autres migrants au Maroc sont ceux qui souhaitaient continuer l’aventure malgré les risques. Cependant, les contrôles stricts aux frontières, le confinement et autres difficultés les empêchaient parfois. Pour se faire soigner dit-il d’une maladie inconnue, Baldé décide de retourner au pays, via un programme de l’OIM qui consiste à rapatrier les migrants qui souhaitent retourner dans leur pays d’origine.
Un mois déjà à Conakry, Baldé n’arrive pas à se remettre, corona oblige dit-il. « L’OIM m’avait promis une moto, une fois arrivé à Conakry pour que je puisse commencer à travailler, mais jusqu’à présent rien d’abord » se plaint-il.
De nombreux jeunes migrants africains ont été contraints de retourner dans leur pays d’origine dans des conditions d’emploi précaires et sans accès à un filet de sécurité, en particulier pendant la pandémie COVID-19.
Alpha Oumar Diallo a une histoire particulière. Ce jeune qui a complètement perdu l’espoir d’avoir un petit boulot au pays a décidé malgré l’état d’urgence sanitaire à peine décrété par les autorités d’aller. Alors que ces mesures sont strictes, il est resté optimiste et serein. Contre vents et marées, il traversa plusieurs préfectures de la Guinée avant d’arriver à la frontière guinéo-malienne Kouremalé. Là, les obstacles sont énormes : frontières fermées, zone militarisée, des camions remplis de marchandises et passagers tous bloqués. Mais, Alpha ne désarme toujours pas nonobstant toute cette panoplie de barrages. Il va opter pour un autre chemin, c’est-à-dire passer par des petites combines pour traverser la frontière.
« Je ne pouvais pas attendre bien que ce n’était pas du tout facile pour moi d’atteindre l’autre territoire. Je voyais beaucoup de personnes et des véhicules bloqués. Je me suis tout d’abord arrangé avec un motard qui m’a rassuré qu’il pouvait me faire passer par la déviation de la frontière et que je lui paye 25 000 cfa. » a-t-il narré
À quelques kilomètres de la frontière, précisément dans la forêt, ils se sont fait repérés dans une embuscade. Après avoir passé 3 jours aux frontières, Alpha voit son rêve brisé en partie. Il était contraint de rebrousser chemin vers Conakry.
« j’ai décidé de retourner parce que je me dis que c’était impossible pour moi de franchir la frontière. Et j’ai financé tout mon argent. Et difficilement j’ai pu retourner à Conakry. J’avais emprunté une moto et à chaque barrage on payait de l’argent. Tout ça était dû au coronavirus » a-t-il rajouté.
De retour à Conakry, Alpha réussit à convaincre son frère qui lui achète une moto pour pouvoir démarrer l’activité de taxi-moto. Il affirme que ce boulot lui a permis d’engranger un montant de 7 millions. Ce qui va lui permettre d’opter pour cette fois-ci la voie aérienne pour rejoindre le Maroc.
« J’ai sept millions (7 000 000 fg) pour le moment, mais je continuerai à travailler dur pour avoir au moins 15 000 000 fg et d’ici là ça trouvera peut-être qu’on a fini avec cette histoire de coronavirus. Là, j’irai à l’aéroport prendre un vol. Mais, jamais je n’irai par la voie terrestre » rassure Alpha Oumar Diallo.
Du point de vue économique, la pandémie a eu des effets généralisés puisqu’elle touche à la fois les migrants et les familles qui dépendent des envois de fonds, c’est ce que nous a laissés entendre Baldé quand il était au Maroc.
« Avant la pandémie, j’économisais, et je parvenais quelques fois à transférer quelques dirhams à la famille, mais depuis que corona est apparu, j’y arrivais presque pas et la famille comptait beaucoup sur moi » révèle-t-il
À croire les prévisions de la banque mondiale, les envois de fonds vers I’Afrique Subsaharienne devraient reculer d’environ 9 % en 2020 à 44 milliards de dollars. Si les Flux à destination du Kenya restent pour l’instant positifs, ils devraient finir par plonger en 2021. Selon toujours la Banque Mondiale, les transferts vers tous les grands pays bénéficiaires devraient baisser. La pandémie de COVID-19 touche à la fois les pays d’origine et de destination des migrants dit-elle.
Certes, la pandémie COVID-19 a eu des conséquences majeures sur la mobilité des personnes mais, cela n’a pas empêché d’autres de poursuivre leur rêve, celui de rejoindre l’Europe.
Par contre, si ces récits sont dominés par des jeunes désespérés, impliqués dans des migrations irrégulières, l’impact à court terme de la pandémie a augmenté selon des observateurs la migration de certains groupes notamment ceux qui possèdent des compétences utiles dans le secteur de la santé des pays de destination.
Un dossier de Mamadou Alimou Diop pour couleurguinee.com