Après qu’il a réussi son opération destruction fantaisiste et injuste dans la zone de Kaporo rails, le gouvernement Guinéen vient d’annoncer l’interdiction formelle d’enterrer les morts dans les funérariums de cette zone déguerpie. C’était le seul souvenir qui restait aux ex-habitants de la zone et ses voisins qui sont dans les périphéries.
Désormais, tout comme les vivants, il est interdit aux morts de s’y rendre. Peut-on en déduire donc, mêmes les cadavres peuvent déranger ce gouvernement ? D’accord, admettons que ces lieux sacrés ne reçoivent plus des nouveaux hôtes comme le prétendent les décidèrent actuels, mais qu’allez-vous faire de ceux qui sont déjà là, ceux qui y séjournent depuis et pour l’éternité? Allez-vous les priver du sommeil éternel dont ils ont droit ? Allez-vous les couper du monde sensible ? Pourtant, nous sommes dans une société dont les us et les pratiques sont fortement ancrées dans la religion et la tradition.
Autrement, une société qui établit un trait d’union entre les vivants et les morts, entre le naturel et le surnaturel, entre le sensible et l’insensible. Dommage qu’il veuille empêcher les recueillements et les rituels que les vivants peuvent accorder aux morts.
Dommage, pour des calculs politiques subtils aux intérêts futiles, qu’il veuille déconnecter les morts, des vivants.
Dommage qu’il veuille s’inscrire dans une logique de négation de l’évidence à travers des pratiques obscènes. Croyez-vous que le fait de raser systématiquement ces maisons funèbres est une solution pour empêcher que les tombes des martyrs soient érigées en mausolée ? Croire à une telle hypothèse relève d’une forte ineptie, à la limite, une sottise.
Certes, aujourd’hui vous avez les manettes du pouvoir. À ce titre, vous pouvez déchirer certaines pages mais pas au point de détruire toute l’histoire. Vous ignorez ou vous faites semblant d’ignorer que l’histoire est fondée sur la mémoire.
Dans ce cas, vous pouvez détruire les traces mais pas la mémoire. Par ailleurs, si la destruction des cimetières pouvait effacer les mémoires, le monde serait déjà tu au sujet de la destruction de Djoulfa un mausolée dont l’œuvre architecturale est aujourd’hui placée sur le patrimoine mondial de l’UNESCO. Où bien, on aurait arrêté de parler de la destruction des mausolées de Tombouctou, acte qualifié par les nations unies de crimes contre l’humanité.
Ceci dit, inutile de se fatiguer, vous détruisez ces cimetières aujourd’hui, vous bâtissez des immeubles demain, après-demain, ils seront placés en mausolée. Au lieu de craindre les conséquences des actes commis dans la préméditation, le mieux serait de les regretter. Il faut cependant daigner faire un mea-culpa puis présenter des excuses publiques sincères.
Lorsque la démocratie sera détachée de ses chaînes, lorsque les démons de la dictature seront vaincus, la nation va restaurer la mémoire de ses martyrs.
Un jour, les tombeaux de ces martyrs vont porter les couronnes de la démocratie, arborer les couleurs de la République sous les regards impuissants et narquois des monarques vaincus.
Boubacar Pelly BAH
Activiste de la société civile Guinéenne