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Une autre lecture de la hausse du prix du carburant à la pompe

Les autorités politiques du pays ont procédé à l’augmentation de 22,2% du prix de carburant à la pompe dans ce contexte difficile marqué par l’apparition de la Covid-19 et ses conséquences macroéconomiques dans le pays depuis son apparition le 12 mars 2020.

A notre humble avis, cette décision s’expliquerait par les difficultés rencontrées par l’Etat guinéen dans le cadre de la collecte des ressources budgétaires en raison de la baisse de l’activité économique mais aussi la faiblesse du niveau d’exécution des dépenses publiques qui sont d’ailleurs fondamentales pour la relance de l’économie nationale post Covid-19 à en croire la théorie keynésienne portant sur le multiplicateur des dépenses publiques.

D’entrée de jeu, il convient de souligner que cette hausse du prix du carburant que nous avons enregistrée ces derniers jours résulterait certainement de la hausse du prix du brut entre janvier 2020 et juin 2021 où le prix moyen s’est fixé à USD 60,04. Même si le prix du brut a fléchi en avril 2020 pour se situer à USD 18,38, il va de soi qu’il a connu une hausse vertigineuse en juin 2021 pour atteindre USD 73,15 contre USD 70,24 ce dimanche 15/08/2021 au moment de la clôture des marchés financiers. C’est pourquoi nous pensons qu’il est important de reformer les systèmes de régulation des prix domestiques des produits pétroliers de manière à assurer la flexibilité en fonction de la fluctuation du cours du baril au niveau international.

Etant donné que la hausse des prix à la pompe est un sujet très sensible en République de Guinée, le gouvernement a sondé la population pendant un laps de temps pour étudier son éventuel comportement avant de prendre une telle décision et éviter ainsi la résistance sociale face à cette politique susceptible de pénaliser les pauvres. A  croire le ministre des hydrocarbures ainsi que le gouverneur de la Banque Centrale, le maintien du prix du carburant à la pompe à GNF 9 000 dans ce contexte où le prix du baril ne fait que monter en raison de la reprise modérée de l’activité économique mondiale, aura un impact considérable sur le budget de l’Etat qui en supportera les coûts, ce qui peut en retour conduire à une réduction des dépenses sociales.

L’objectif de cette analyse est d’éclairer la lanterne de l’opinion publique et les autorités politiques sur les véritables enjeux des réformes à entreprendre à notre humble avis, pour minimiser l’impact de cette hausse du prix du carburant à la pompe qui a du mal à passer auprès des ménages guinéens notamment les chauffeurs de taxi.

L’essentiel des statistiques fournies est le résultat du recoupement de diverses données officielles du Ministère de l’économie et des finances (cf. Instruction n° 0012 MEF/CAB du 03 août 2021) mais aussi du Ministère des hydrocarbures à travers ses multiples tableaux élaborés par le Comité Paritaire des Prix des Produits Pétroliers de l’Office National des Pétroles.

De la particularité de la toute dernière structure prix du carburant :

L’analyse de la nouvelle structure du prix du carburant à la pompe parue le 03/08/2021 indique une petite variation du prix d’entrée de l’essence (composante des hydrocarbures très consommée en République de Guinée) de 4,7% passant de GNF 5 683,28 en juillet 2021 à GNF 5 953,37 en août 2021 (soit 54,1% du prix du détail), ayant ainsi occasionné, un accroissement systématique de toutes les taxes et marges revenant à l’Etat guinéen même si les proportions sont restées constantes sur la période sous-revue. C’est dans ce contexte que les droits de portes se sont accrus de 333,0% [(+333,0% = (1 360,71/314,21-1)] en raison de la hausse des droits de douanes de 955% [(+955,0% = (1 141,20/108,17) -1].

De même, la TSPP (passée GNF 0 pour les mois précédents à GNF 128), la Redevance d’Entretien Routier [+100% = (500/250) -1)], la TVA collectée [+23,0%= 1628,47/1323,45) -1] ont également connu des hausses vertigineuses pour atteindre 1 990, 85.

A ce montant s’ajoute l’arrondi de GNF 0,45 ce qui correspond à 1191,3 sensiblement égale aux GNF 2 000 (écart entre les GNF 11 000 et les GNF 9 000). Entre temps, les miniers, les ambassades ainsi que l’EDG et la SEG achètent de l’essence comme le gasoil à moins de 9 300.  De plus, les intermédiaires (distributeurs, transporteurs et les détaillants) n’ont pas vu leur marge augmenter au cours de cette revue à la hausse du prix du carburant à la pompe car, ils continuent toujours à percevoir respectivement GNF 555, GNF 550 et GNF 300 et cela depuis 2018 soit un total de GNF 1405 (12,7% du prix du détail contre 15,6% quand le prix du carburant à la pompe était à GNF 9 000).

Du coup, l’on se rend compte que l’Etat guinéen, percevrait une part importante du prix du carburant à la pompe à travers ses taxes et marges (GNF 3 641,37/litre soit 33,1% du prix du détail sauf erreur ou mauvaise interprétation de la structure du prix du carburant à la pompe).

A croire les autorités, ce montant équivaut à l’éventuelle subvention de l’Etat sur le secteur au moment où l’on vendait le carburant à GNF 8 000. Selon le ministre des hydrocarbures, cette même subvention dépassait GNF 600 millions entre avril et juillet 2021. Fort malheureusement, la structure du prix ne montre en aucun cas une ligne subvention pour la population, l’on constate plutôt une baisse des tarifs pour les ambassades, les miniers, la SEG et l’EDG. Les questions que nous nous posons dans tout ça sont les suivantes : pourquoi l’Etat guinéen taxerait-il un produit qu’il subventionne ? Quelle est la part réelle de cette subvention dans le prix du brut ?

Le principal problème de l’économie guinéenne est qu’elle n’est pas encore engagée dans des stratégies de diversification de son économie à travers des plans pluriannuels de développement prévoyant ainsi des investissements publics dans des grands projets d’infrastructure et dans le domaine social afin de pallier cette forte dépendance budgétaire envers la TSPP. Il convient toutefois de saluer les reformes mises en place par le ministère du budget à travers ces Centres de Gestion Agrées (CGA) dans le cadre de la formalisation du secteur informel, la réorganisation de la DNI à la suite d’un diagnostic stratégique impliquant divers partenaires nationaux et étrangers et l’assistance du FMI, le paiement des impôts, taxes et redevances dus à l’Etat par virement bancaire etc.

Enfin, l’augmentation des prix des produits de consommation courante (en particulier les produits alimentaires) est une donnée à surveiller dans les prochains jours dans l’ensemble du pays car elle affecte directement les populations et peut être une raison de mécontentement populaire.

De la résistance opposée par certains agents économiques :

Malgré que l’Etat guinéen a communiqué sur le prix du transport, les chauffeurs de taxi notamment ceux de la capitale Conakry ont décidé de boycotter cette décision émanent des autorités en bravant cette mesure et en passant outre. Et pourtant, ces mêmes chauffeurs de taxi ont dû longtemps profité lorsque le prix du tronçon était à GNF 1 300 au moment où le prix du carburant à la pompe valait GNF 9 000 en raison de l’absence dans la circulation fiduciaire des petites coupures non imputable forcément aux autorités monétaires qui ont continuer à les produire pour pallier ce problème que nous connaissons aujourd’hui mais la plupart des agents économiques ont parfois eu du mal à les accepter lors des opérations de retraits dans les guichets des banques primaires, chacun préférant ainsi les grandes coupures en dehors des périodes fête.

Toujours est-il vrai de souligner que le niveau de vie de la plupart des guinéens ne fait que baisser en raison surtout de la baisse de l’activité économique attribuable à la Covid-19 qui a causé à un moment donné un arrêt brusque de certaines activités économiques notamment le transport aérien donc des agences de voyage, le tourisme, la culture (suspension des concerts dédicaces, voyages etc.). Ces chauffeurs de taxi n’ont pas été à la marge de cette pandémie car, parfois obligés de limiter leur déplacement et/ou de facturer doublement les tronçons pour survivre aux différents barrages et arrêts mis en place par certains policiers qui sont parfois très emmerdant de telle sorte qu’ils les dépouillent de tout leur avoir en fin de journée.

A notre humble avis, cette augmentation quoique pour le moment mal justifiée par les autorités politiques durant cette période de pandémie (présence de virus Lassa, Marbourg et Covid-19) ne nécessite en aucun cas l’augmentation du prix du transport dans la capitale Conakry car, d’après nos calculs, le tronçon passe de GNF 1 300 à GNF 1 584 désormais.

S’agissant de l’intérieur du pays, nous pensons que la détérioration de la qualité de nos routes requiert impérativement un léger ajustement à la hausse du prix du transport car les conducteurs de taxi, minibus et bus enregistreront un niveau de consommation énorme sur ces routes qui mènent à l’intérieur du pays. Hélas, depuis plus de 2 ans, Conakry est quasiment coupé de l’intérieur du pays durant l’hivernage de telle sorte que les quelques chauffeurs de camions, bus, taxi et minibus qui se hasardent à emprunter les routes font parfois plusieurs jours avant d’arriver à destination alors qu’avant cette situation, ils ne faisaient que moins de 12h sur certaines routes (cas de chez-moi à Yembering).

De l’argument développé par le gouvernement sur cette hausse du prix du carburant :

Si de nos jours, les autorités politiques du pays ont comparé le prix pratiqué à la pompe en Guinée à ceux de nos pays voisins notamment le Sénégal et la Cote d’Ivoire ayant enregistré des PIB respectifs de 23,58 milliards USD et 58,54 milliards USD en 2019 contre 12,3 milliards USD (2019), c’est pour nous juste une erreur d’appréciation de la réalité car ces différents pays cités ont non seulement un taux de change fixe par rapport à l’Euro (donc une monnaie forte), mais aussi et surtout ils ne courent pas le risque de dépréciation du FCFA et de l’inflation. De plus, de la même manière dont ils nous dépassent en PIB (quasiment le double du PIB guinéen pour le Sénégal et le quintile pour la Cote d’Ivoire), leur revenu par habitant dépasse celui des guinéens. Ce qui fait qu’un tel prix n’affecterait en rien leur niveau de consommation habituelle.

De l’autre côté, notre monnaie s’est dépréciée de l’ordre de 60% entre 2011 et 2021 selon le Gouverneur de la Banque Centrale. De plus, le taux de change s’est chiffré en moyenne fin mai 2021 à GNF 9 798 contre un dollar américain et GNF 11 904 contre un Euro, soit des dépréciations nominales de respectivement face au dollar américain et à l’Euro de 3,6% et 14,5%.  Ce qui veut dire que sur la période concernée, le Franc Guinéen a perdu 3,6% de sa valeur par rapport au dollar américain et 14,5% par rapport à l’euro en glissement annuel. Ceci pourrait expliquer probablement la supériorité du prix pratiqué par les pays cités ci-dessus au détriment du notre.

Par ailleurs, les perturbations de l’activité économique suite à l’avènement de la Covid-19 couplés avec les mouvements sociaux liés aux élections présidentielles de 2020 et de ses avatars ont bloqué à un moment donné le circuit économique et influencé le volume des exportations du pays tout en occasionnant une hausse des prix des denrées alimentaires de première nécessité. Ces évènements ont causé également l’arrêt de la production dans plusieurs secteurs économiques occasionnant ainsi la baisse systématique des recettes de l’Etat.   

Quelques pistes de solution :

Nous ne saurons terminer cette petite analyse sans pour autant apporter quelques pistes de solutions comme tout guinéen soucieux du devenir de son pays.

  • Les autorités politiques devraient assurer le développement du secteur du transport indispensable pour l’accroissement de recettes du pays. Par ailleurs, si aujourd’hui ce secteur semble être délaissé par le secteur privé tout comme l’Etat, c’est parce qu’en dépit des efforts fournis par ce dernier, les populations n’accordent point d’importance à ces biens qu’ils considèrent propre à l’Etat et qu’ils détruisent à la moindre manifestation. De plus, aucune gestion sérieuse n’a été faite des différents bus qui nous ont été offerts par le passé. Tout est laissé dans un laxisme total pour preuve, aucune sanction n’a été prononcée à l’encontre des différents cadres qui ont assuré le suivi de ce matériel roulant.
  • Le ministère du transport devrait également menée la réflexion pour développer d’autres moyens de déplacement à l’image de ceux existants dans certains pays voisins avec des pass forfaitaires de transport journaliers, hebdomadaires et mensuels afin de pallier à cette insuffisance d’offre de moyens de déplacement par rapport à une demande largement insatisfaite et dont la conséquence ne sera que la hausse du prix du transport.
  • L’Etat guinéen doit veiller à l’application stricte des mesures prises pour la capitale Conakry et faire une petite révision des prix du transport pour l’intérieur du pays en attendant le rétablissement des voiries rurales. Dans le même sillage, revenir sur les mesures appliquées au début de l’année 2000 qui consistaient à faire une réduction du tarif pour les élèves contre le maintien d’un même niveau de transport pour les adultes.
  • A défaut de tout ce qui précède, l’Etat guinéen devrait réviser à la baisse le prix du carburant à la pompe afin de soulager ainsi une frange importante de la population car nos calculs ont permis de démontrer que si le prix revenait à GNF 10 000, le transport tournerait autour de GNF 1 444 sensiblement égal aux GNF 1 500.

Safayiou DIALLO

Citoyen Guinéen

 

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