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La sécurité collective, ventre mou de l’intégration en Afrique (TRIBUNE de Dr Thierno Souleymane BARRY)

Le 17 février 2022 marque officiellement le retrait de la France au Mali dans le cadre de l’opération « Barkhane ». Ce retrait doit interpeller les autorités de l’Union africaine et des Communautés économiques régionales en vue du renforcement d’une sécurité collective en Afrique, parent pauvre du processus d’intégration du continent.

Nous verrons successivement le concept de sécurité collective, ses repères historiques et la nécessité de le renforcer pour faire face aux enjeux de sécurité qui assaillent le continent.

Le concept de sécurité collective au cœur de tout processus d’intégration

La notion de sécurité collective est défini par l’encyclopédie Universalis comme un « système interétatique reposant sur le principe selon lequel, en cas d’emploi ou de menace d’emploi de la force par n’importe quel État, tous les États participants entreprendront une action commune afin de prévenir l’agression ou de lui faire échec. »

Cette conception -un peu étroite de nos jours-doit être entendue au sens large pour viser non seulement la protection contre les menaces ou attaques dans le cadre interétatique mais aussi d’autres acteurs (pirates, terroristes, …) et d’autres enjeux (criminalité transfrontalière et autres).

Sa traduction réelle se trouve aux articles 2 et 26 de la Charte des Nations unies interdisant le recours à la menace ou à l’emploi de la force et créant un système de sécurité centralisé sous la gouverne du Conseil de sécurité des Nations unies. Ainsi, pour se consacrer au développement sous toutes ses formes, la sécurité collective demeure-t-elle l’élément indispensable de tout processus d’intégration. Le continent africain ne saurait y faire exception.

Le rappel de repères historiques

Parmi les objectifs de la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) de 1963 figurent des points appelant la sécurité collective pour leur mise en œuvre comme l’unité et solidarité des Etats africains, la défense de leur souveraineté et de leur intégrité territoriale et l’éradication du colonialisme en Afrique.

Pour ce dernier point concernant l’apport à la décolonisation du continent, des efforts notables avaient enregistrés par le Comité de décolonisation et dans le cadre de l’Axe Alger-Conakry-Dar Es Salam, entre autres. L’Acte constitutif de l’Union africaine de 2002 abonde dans le même sens. L’UA a pour ambition de: « développer et promouvoir des politiques communes sur le commerce, la défense et les relations extérieures en vue d’assurer la défense du continent et le renforcement de ses positions de négociation. »

Cependant, l’Union africaine peine à donner une réponse efficace aux problèmes sécuritaires en Afrique. L’insécurité dans le Golfe de Guinée et dans l’Océan indien aux prises avec la piraterie, les méfaits du terrorisme au Sahel et la récurrence des conflits dans l’est du Congo ne sont que des illustrations de cet état de fait.

La nécessité de renforcer une sécurité collective africaine face aux enjeux majeurs du siècle

L’Afrique fait face à des enjeux majeurs qui ont pour nom la lutte contre les conflits internes, la criminalité transfrontalière, la lutte contre le terrorisme et la piraterie. A ces luttes s’ajoutent les actions pour la protection du processus démocratique et la gestion des catastrophes dues aux changements climatiques. Ces enjeux majeurs appellent des solutions idoines à l’échelle continentale et sont indispensables à tout développement.

C’est ici que doit intervenir une sécurité collective effective et efficace à l’échelle du continent africain. Fort malheureusement, le constat actuel est tout autre. Le système actuel de sécurité collective de l’Union Africaine est fondé sur l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) essentiellement composé des quinze membres du Conseil de paix et de sécurité (CPS), des cinq personnalités du Groupe des Sages de l’Union africaine, de la Force africaine en attente (FAA) -peu opérationnelle, le système d’alerte précoce, le Comité d’Etat-major et le Fonds de la paix. Cette architecture s’appuie fortement sur les dispositifs des Communautés économiques régionales (CER) qui ont élargis leurs objectifs économiques initiaux pour englober les questions de sécurité. Force est de ainsi de constater que ce système souffre de manque de moyens et de coordination et offre peu d’efficacité pour faire face aux grands enjeux actuels et à venir. Le recours à des coalitions ad hoc (G5 Sahel) et l’assistance des pays étrangers (France, Etats-Unis,…)  sont fréquents. L’Afrique, pour réussir son intégration, doit repenser son propre système de sécurité collective et en faire une priorité ; en matière d’intégration, la sécurité ne se délègue pas.

 On peut penser à l’allocation de moyens humains, techniques et financiers, une coordination plus efficace entre les organes de l’Union africaine et ceux des communautés économiques régionales et surtout une réforme des armées nationales, principales pourvoyeuses de contingents de la sécurité collective du continent.

La mise en place d’une sécurité collective effective et efficace doit être la priorité de l’Union africaine et des communautés économiques régionales comme partie intégrante de l’intégration africaine.

                                                                                                          Conakry, le 17 février 20

Dr Thierno Souleymane BARRY,

Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour

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