24 février 2022, au petit matin, la Russie envahit l’Ukraine, en dépit de toutes les règles interdisant le recours à la force comme moyen de règlement des différends interétatiques. Ce fait interpelle l’internationaliste que nous sommes et appelle aux commentaires qui suivent. Après un bref portrait de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en guise d’illustration de la fragilité du droit international, nous allons nous focaliser sur les divers recours de la communauté internationale au droit international comme ultime rempart du vivre en commun de l’humanité.
Invasion de l’Ukraine par la Russie : illustration de la fragilité du droit international
Depuis la création des Nations Unies en 1945, le bien-être de la communauté internationale repose sur un principe sacro-saint – bien que violé de temps en temps – qui figure à l’article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations unies. C’est le principe de non recours à la menace ou à l’emploi de la force dans les relations internationales. Il signifie qu’en tout temps, les Etats doivent régler leurs différends en faisant recours aux moyens pacifiques. L’invasion de l’Ukraine par la Russie est une transgression de cette règle de droit international. Face à un tel schéma, le commun des mortels se demande alors l’intérêt du droit international dans la régulation des affaires internationales. Cependant, la transgression d’une règle n’est pas synonyme de son manque d’intérêt. Aujourd’hui, les appels fusent de tout part pour le recours au droit international dans la résolution du désormais différend Ukraine vs Russie.
Recours au droit international en ultime ressort : témoignages de l’importance du droit international
Dès l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les appels n’ont cessé de faire entendre pour recourir au droit international comme ultime secours face aux violations qui naissent de ce fait internationalement illicite. Pour s’en convaincre, il est utile de revenir tour à tour sur certains de ces appels et recours en provenance de la communauté internationale :
Le recours à l’Assemblée générale des Nations unies par l’application de la Procédure Dean Acheson pour contourner le blocage du Conseil de sécurité des Nations unies par le veto Russe. L’Assemblée générale des Nations unies s’est réunie, dans ce cadre, en session extraordinaire d’urgence, le 28 février 2022.
Le recours à la batterie de sanctions prévues par le droit international pour faire fléchir la Russie. Il s’agit notamment des sanctions économiques, financières et autres émanant des Etats et des organisations internationales contre la Russie.
Le recours de l’Ukraine contre la Russie à la Cour internationale de justice de La Haye pour l’interprétation de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948. L’Ukraine a saisi la CIJ à l’effet d’interpréter cet instrument international portant sur la prévention et la répression du crime de génocide.
Le recours par l’Union africaine et certains Etats africains au droit international des réfugiés et au droit international des droits de l’homme face au refus d’accès des réfugiés africains en Pologne. A travers une déclaration datée du 28 février 2022, le Président Macky Sall, Président en exercice de l’Union africaine ainsi que certains présidents africains, invoquant le droit international, ont condamné les exactions que subissent les africains en quête de refuge, notamment en Pologne et ont appelé à la cessation de ces actes contraires aux droits de l’homme.
L’ouverture d’un examen par la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre concernant les exactions commises en Ukraine. Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Karim Khan a indiqué ce même 28 février 2022 ouvrir des enquêtes pour des faits constitutifs de crimes réprimés par le Statut de Rome.
Le rappel constant du Comité international de la Croix Rouge et du secrétaire général des Nations unies aux belligérants pour la protection des civils et l’application du droit international humanitaire en Ukraine. L’obligation de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire par les parties en conflit est constamment rappelée. Il leur est notamment rappelé leur obligation d’assurer la protection des civils en tout temps et en tout lieu.
Le recours par la Russie et l’Ukraine au droit international par le biais des négociations directes dans le cadre du règlement pacifique de leurs différends. La Russie et l’Ukraine ont déjà finis un premier round de négociations directes en Biélorussie, négociations appelé à se poursuivre pour aplanir leurs différends.
Les illustrations que dessus ne sont que d’infimes exemples des multiples recours aux règles du droit international face à la violation d’un de ses principes qu’est le non recours à la force comme moyen de règlement pacifique des différends entre Etats, principe enfreint par la Russie envers l’Ukraine. Tel un roseau, le droit international s’est plié ce jour fatidique du 24 février 2022 mais il ne s’est pas cassé, comme dans bien d’autres cas par le passé. Le droit international demeure ce qu’il est : un droit relatif mais indispensable au vivre en commun de la communauté internationale.
-Juris Guineensis No 24.
Dr Thierno Souleymane BARRY,
Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour