Me Thierno Souleymane Barry revient encore avec cette plume qui mérite une lecture. Lisez ci dessous.
Depuis le 14 février 2023, les audiences criminelles du Tribunal de Première Instance de Dixinn délocalisé à Kaloum en l’affaire des évènements du 28 septembre 2009 se tiennent à huis clos, à la demande des victimes parties civiles notamment des infractions sexuelles comme il est de droit en pareilles circonstances. Habitué à suivre régulièrement le procès emblématique, le public a bien hâte de retrouver le petit écran. Poursuivant l’un des buts de la tribune qui est celui de la vulgarisation du droit au grand public par la médiation de l’actualité, nous allons nous pencher sur la compréhension du huis clos avant de voir ses sources et pratiques en droit international pénal et en droit guinéen.
Compréhension et sens du huis clos
En principe, la procédure pénale est caractérisée par la publicité des débats qui signifie un accès universel à toute personne à l’audience. Ce principe constitue en soi la garantie de transparence en vue d’un procès juste et équitable, au vu et su de tout le peuple au nom duquel justice est rendu. Le huis clos constitue l’exception au principe de la publicité des débats. Comme l’indique son nom, le procès à huis clos est un procès tenu à « portes closes ». Il s’agit d’un procès tenu hors la présence du public. Il est prononcé par le président du tribunal dans l’intérêt du public ou dans l’intérêt des victimes et des témoins. Le huis clos au pénal est connu en procédure civile sous le vocable « en chambre du conseil ».
En droit international pénal
Dans la pratique de la justice pénale internationale, la publicité des débats constitue toujours le principe d’un procès juste et équitable. Cependant, le huis clos est souvent prononcé dans l’intérêt des victimes ou la protection des témoins. A titre d’illustration, au niveau de la Cour pénale internationale, la Règle No 72 du Règlement de procédure et de preuve admet l’examen à huis clos de la pertinence ou de l’admissibilité des éléments de preuve concernant les victimes de violences sexuelles. Plusieurs audiences de l’Affaire Bosco Ntaganda à la CPI en 2017 se sont également déroulées à huis clos notamment pour la protection des témoins. Les technologies de l’information et autres techniques sont souvent usitées pour faciliter le déroulement des audiences dans de tels cas comme l’attribution des numéros anonymats d’identification, usage de cabines, intervention par vidéo et autres.
En droit guinéen
Le siège du huis clos en Guinée est enchâssé à l’article 397 du Code de procédure pénale en ces termes : « Les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l’ordre public ou les mœurs. Dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement rendu en audience publique. (…) Lorsque les poursuites sont exercées du chef du viol ou de torture et des actes de barbarie accompagnés d’agressions sexuelles, le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l’une des victimes parties civiles le demande ; dans les autres cas, le huis clos ne peut être ordonné que si la victime partie civile ou l’une des victimes parties civiles ne s’y oppose pas. (…) ». Les infractions de nature sexuelles étant l’une des caractéristiques des évènements du 28 septembre 2009, le huis clos est ainsi de mise.
Pour terminer, à en juger par les demandes du public pour suivre le procès comme de coutume et l’importance qu’il accorde à sa tenue, il est déjà loisible d’affirmer que le procès des évènements du 28 septembre 2009 est entrain de remplir le rôle qui est le sien, celui d’exorciser notre douloureux passé et jeter les jalons d’un futur radieux fondé sur la justice pour toutes les filles et tous les fils de la Guinée.
-Juris Guineensis No 45.
Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D
Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour