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 » Le Niger est un pays totalement enclavé. Si toutes les communications sont coupées, avec les ports africains, la population va souffrir… » dixit Mamadou Baadikko Bah

 » Le Niger est un pays totalement enclavé. Si toutes les communications sont coupées, avec les ports africains, la population va souffrir. Les putschistes ne sont pas la solution » dixit le président de l’UFD dans cette interview qu’il nous a accordé.

Ce mercredi 02 août 2023, le président du parti  Union des Forces Démocratiques (UFD), Mamadou Baadikko Bah nous a accordé cette interview dans laquelle il s’est exprimé sur la situation  sociopolitique actuelle du Niger, précisément sur le putsch qui polarise l’attention de l’opinion.

 

Couleurguinee.com:  À votre avis, quelles sont les raisons qui expliquent ce coup d’Etat au Niger ?

Mamadou Baadikko Bah : Comme tous les coups d’Etat, il y a des raisons objectives. La première grande raison objective, c’est que les régimes qui sont là, en 65 ans d’indépendance, ont été incapables de réussir à mettre le pays sur les rails du développement économique, social, de la justice sociale. Il y a des plaintes immenses de larges couches de la population et maintenant il y a la guerre menée par les narcos djihadistes poussés par les esclavagistes arabo-berbères.

Cette instabilité chronique au Niger relève de la tradition des coups d’État. C’est infernal car c’est une logique implacable; quand vous entrez là dedans, vous n’en sortez plus. C’est la logique de la force brutale. Sa destinée sera toujours la force contre la force. Et ce n’est pas dans l’intérêt des populations.

Le Niger en fait la triste expérience depuis 1974, avec des tas de coups d’Etat, des assassinats. Le pays n’arrive pas à sortir de là.

Le Niger fait l’objet de convoitises. N’oubliez pas que la France vit pratiquement du tiers de l’énergie  produit par les centrales nucléaires dont l’uranium provient du Niger.  En plus, le Niger est un verrou stratégique; s’il saute, il y a un effet domino qui va s’en suivre, c’est-à dire tous les pays du sud (le Bénin, le Togo, le Ghana, le Nigeria) vont être menacés. Ce qui est extrêmement grave.

Ce qu’il faut noter, c’est que les putschistes sont dans une situation d’impasse. Ils n’avaient pas prévu ce qui allait se passer, mais nous Guinéens devons retenir que la force des armes ne doit pas servir à conquérir le pouvoir et à le conserver.

L ‘armée n’est pas faite pour gouverner, elle en est incapable. Ce n’est pas parce que les élites politiques sont corompues et incapables de satisfaire les besoins de la population qu’il faut avoir recours aux juntes miltaires. La solution, ce ne sont pas les militaires.

Le Niger en donne un exemple. Il y a eu une pause avec Mahamadou Issoufou. Un ancien président du Niger qui a essayé de mettre les choses sur les rails, mais il n’a pas pu, puisque même sous son régime, il y avait des affaires de corruption. Au moins, il avait déclaré ses biens. Il s’est montré digne de notre pauvre organisation etudiante de la FEANF en France. Contrairement à tous ses anciens camarades dont celui de la Guinee, il a déclaré ses bien. Ce qui est une preuve de de ses bonnes dispositions contre la corruption et l enrichissement illicite.

Aujourd’hui l’impasse est totale. Le Niger est un pays totalement enclavé. Si toutes les communications sont coupées, avec les ports africains, la population va souffrir, les putschistes ne sont pas la solution. Un pouvoir issu des urnes est mieux que la force des armes dans tous les cas jusqu’à ce qu’on trouve une solution à ces problèmes qui ne datent pas d’hier

C’est un avertissement. Tous les pays francophones sont logés à la même enseigne, en commençant par le Tchad où règne depuis 1990, une dictature militaire tribale transformée en dynastie des Debi.

Le drame des pays francophones, c’est que les dirigeants africains ont été moulés dans une culture assimilationniste. On les a fabriqués pour ça. S’assimiler à la culture coloniale française. Et ils sont incapables de diriger le pays que la colonisation leur a laissé. C’est ça la grande leçon. Comme par hasard, en Afrique aujourd’hui, ceux qui s’en sortent le mieux, ce ne sont pas des pays d’expression française mais plutôt anglophones ou autres.

Y avait-il un moyen d’éviter ce coup de force au Niger?

 

La porte était déjà ouverte, il faut que le corps social et politique du Niger s’entende pour que plus jamais les forces armées ne prennent le pouvoir, c’est possible. S’il y a un consensus social et qu’on règle tous les problèmes correctement, il n’y aura pas de raison qu’on fasse des coups d’Etat.

La tradition africaine c’est la concertation, l’arbre à palabre sous lequel on trouve de vraies solutions à tous nos problèmes et ce n’est pas par les armes.

Beaucoup de personnes perçoivent ce coup comme un affront à la Cédéao qui a interdit les coups d’Etat au sommet de Bissau. Quelle lecture faites-vous de cette situation?

On espère que le successeur du président Général Buhari, sait de quoi il parle. Le Nigeria a les moyens de sa politique. C’est la plus grande puissance démographique, économique et militaire du continent. Aujourd’hui, ils ont lancé des avertissements aux putschistes. Il faut qu’ils en assument la responsabilité et qu’ils ne soient pas là à faire des menaces totalement vides de conséquences.

Ce n’est le Nigéria qui va nous débarrasser de ces putschistes. Donc, on espère que la CEDEAO va mettre en œuvre des mesures efficaces pour trouver une solution pacifique.

L’ option militaire choisie par la Cédéao est-elle la solution à ce problème ?

 

Ce qui est important, ça ne doit pas être une action unilatérale de l’armée Nigériane. la principale de toutes les forces de la Cédéao. Il ne faut pas que ça soit une aventure qui va se terminer très mal, par des milliers de morts, des destructions. Et le peuple nigérien va en payer les frais, il faut prendre tous ses aspects là en compte.

C’est pour cela qu’il faut mettre toutes la pression nécessaire pour trouver une solution pacifique. La situation est plus compliquée qu’on ne l’imagine. S’il ya une intervention unilatérale du Nigéria, là on ne voit pas qui va les aider? On ne voit que l’armée ghanéenne, et autres qui soient en mesure de les accompagner. Ca peut finir en un dangereux engrenage. Il faut mettre la pression sur les putschistes. Une solution pacifique semble possible.

Les positions tranchées des juntes du Burkina-Faso, du Mali et de la Guinée pour apporter leur soutien au Niger. A votre avis ces positions exprimées ont lieu d’être?

Ce n’est pas étonnant, c’est la culture de nos armées, les coups d’Etat, qui au lieu de défendre les institutions solides répondant aux besoins des populations sont là à s’installer puis à se taper la poitrine, puisque ils ont la force. Et ce n’est qu’une question de temps, ils ne l’emporteront pas. La logique de la force c’est qu’un jour, la force va s’opposer à la force. Il faut qu’ils sachent cela. Ils n’ont pas le monopole des armes. Ce n’est pas la solution. La solidarité entre les putschistes ne les sauvera pas. Il ya un vent de putschisme qui s’empare de l’Afrique de l’Ouest avec des bruits de bottes en Sierra Leone, en attendant la Guinée-Bissau elle aussi minée par cette instabilité chronique.

La Guinée devrait s’occuper de ses problèmes et donner des conseils de sagesse à la junte nigérienne. Ils devraient user de leur pouvoir de persuasion pour expliquer à leur confère nigériens, l’intérêt de résoudre pacifiquement les problèmes de leur pays plutôt que de se barricader avec les armes ou de confisquer le pouvoir.

Le CNRD peut être bien placé pour donner de bon conseils de modération, de mesure à la junte nigérienne.

Quelsl conseils donnerez-vous à tous les dirigeants africains pour éviter un tel cas?

L’armée n’est pas faite pour gouverner, ce n’est pas son rôle. C’est que les civils corrompus, pourris n’ont pas réussi à faire, ce ne sont pas  eux qui feront l’affaire. Il faut réformer tout le corps social et qu’on s’entende pour avoir des Etats voués aux intérêts des populations et qu’on sorte cette misère sans fin. Cette faillite et cette décadence sans fin qui durent depuis pratiquement l’esclavage par les Arabo-berberes, la traite négrière et la colonisation par l’Occident.

Propos recueillis par Fodé Touré pour couleurguinee.com

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