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An 2 du CNRD : le regard de Mamadou Baadikko Bah, leader de l’UFD

L’ an 2 de l »avènement au pouvoir du Comité National du Rassemblement pour le Développement CNRD est l’occasion saisie par nos confrères du site Africaguinee.com pour accorder une interview à Mamadou Baadikko Bah.

Le Président  du parti Union des Forces Démocratiques a passé au scanner le bilan des deux ans d’exercice du pouvoir par les dirigeants actuels de la Guinée.

Pour les détails, lisez ci-dessous.

Interview de Mamadou Baadiko Bah Président de l’UFD à Africaguinee.com

Question 1 : Quel bilan faites-vous de ces 2 ans de gestion du CNRD à la tête de la Guinée ?

Réponse : Ce qui est intéressant dans cette question, c’est que nous ne sommes plus dans les « Cent jours » du CNRD, ni au premier anniversaire de la prise du pouvoir. Donc, nous avons assez de recul, sur la base des faits pour camper objectivement la junte militaire guinéenne au pouvoir depuis le 5 septembre 2021. On peut, à force de belles paroles, de faux-semblants, de manipulations de toutes sortes, de campagnes médiatiques, tromper le peuple pendant un certain temps. Mais impossible de cacher sa vraie nature indéfiniment. Comme on dit : chasser le naturel, il revient au galop ! Un bilan se dresse objectivement par rapport aux promesses faites, aux attentes des populations et des réalisations concrètes. Ce qui ressort le plus, c’est que par rapport à ses promesses et professions de foi à la prise du pouvoir, le CNRD a carrément jeté le masque. La junte ne cache plus ses véritables intentions, la confiscation du pouvoir, d’une manière ou d’une autre. Nous ne sommes nullement dans une transition permettant de débarrasser nos pauvres populations de ces régimes dictatoriaux, corrompus, ethnicistes qui ont fait d’un pays aussi riche que le nôtre, un pays sous-développé, misérable, surendetté où la jeunesse n’a aucun avenir. On vient de « voter » un budget pour une période couvrant 2026, alors que la « transition » est censée se terminer dans 16 mois ! Que voulez-vous encore ?  Nous ne sommes pas en transition. Au vu de ce qui se passe, il nous est difficile de ne pas nous souvenir qu’en 2011, des responsables politiques avaient dit haut et fort que le RPG (ou ce qu’il représente) était au pouvoir pour 50 ans ! Tout ce qu’on peut dire à ces compatriotes engagés sur cette voie, c’est qu’ils se trompent lourdement. Ici comme ailleurs en Afrique, la logique régionaliste ne mène nulle part qu’à la faillite, aggravant les souffrances déjà insoutenables des populations guinéennes dans leur ensemble.

Question 2 : Sur le plan judiciaire, le dossier du massacre du 28 septembre est en train d’être jugé. Comment avez-vous observé jusque-là l’évolution du procès ?

Réponse : Nous avons suivi avec attention ce procès tant attendu depuis 2009. Il est très regrettable que près d’un an après son ouverture, nous n’ayons toujours pas clairement la vérité sur qui a fait quoi ? Il faut regretter le côté théâtral, la recherche du sensationnel, la propagande politique pour profiter du large auditoire, plutôt que les faits. Bien qu’ayant été un acteur de premier plan dans cette affaire aux forces vives aux côtés de Feu Jean-Marie Doré, je me suis abstenu d’aller devant la Cour car c’aurait été plus pour donner des opinions personnelles que pour livrer des faits intéressant la manifestation de la vérité. Il y a eu le 28 septembre 2009 au Stade de Donka, des crimes abominables, au moins 157 morts dont 56 corps non encore retrouvés, des dizaines de femmes violées. Il faut lutter de toutes nos forces pour que jamais plus de tels crimes soient commis en Guinée et en Afrique, surtout par des Africains contre d’autres Africains. Ceci dit, la tendance des débats ne nous rassure pas entièrement. Il faut espérer que la Cour, dans sa sagesse, saura tirer le vrai du faux pour qu’on en termine correctement. Et surtout, que justice soit enfin rendue aux victimes.
Question 3 : Parmi les accusés il y a le capitaine Moussa Dadis Camara, ancien chef de l’Etat qui est incarcéré à la maison centrale avec ses coaccusés. Vu son statut d’ancien chef d’Etat seriez-vous favorable à ce qu’il soit placé à résidence surveillée ?

Réponse : Nous ne devons pas trop interférer dans le cours de la justice. Mais dans la mesure où le procès, heureusement, se déroule en Guinée et compte tenu des personnalités en cause, c’est à la justice d’apprécier si la mise en résidence surveillée, plutôt que la détention, nuirait ou non à la manifestation de la vérité. La Cour est souveraine, mais si les débats doivent encore durer trop longtemps, pourquoi ne pas étudier des mesures de faveur ?

Question 4 : Parlons des dossiers ouverts par la CRIEF. Ça fait près plus d’un an depuis que cette juridiction fonctionne. D’après vous, les fleurs ont-elles produits les fruits qui étaient attendus ?

Réponse : Nous avons en son temps, salué la mise en place de la CRIEF. Une telle institution judiciaire spécialisée peut normalement aider à donner un coup d’arrêt à l’impunité qui est de règle depuis tout le temps pour les crimes de corruption, de braderie des richesses du pays, de détournement de deniers publics et d’enrichissement illicite. Mais très vite, nous avons attiré l’attention sur les insuffisances qui étaient déjà visibles dans le déroulement de la procédure. Nous avions dit que la justice devait se donner les moyens de retrouver les faits concrets prouvant la justesse des accusations portées contre les gestionnaires du bien public, soupçonnés de crimes ou de délits économiques et financiers. Pour cela il fallait faire appel à des experts internationaux, impartiaux et rigoureux. Une condamnation par une justice sérieuse, crédible et impartiale, ne saurait reposer sur des présomptions ou des commencements de preuves. Mais au lieu de cela, la justice se traîne avec des dossiers presque vides. Et à la longue nous nous posons beaucoup de graves questions : et si la CRIEF n’était là que pour neutraliser tous ceux que le CNRD considère comme ses concurrents et susceptibles de déranger son plan de confiscation du pouvoir ? Est-ce un hasard si les trois principaux détenus à  Coronthie étaient dans la course pour succéder à l’ancien locataire de Sekhuturea, avant même son renversement ? N’est-ce pas la même chose pour les anciens PM en exil, menacés de poursuites par la même CRIEF ?  Qui va-t-on convaincre que cette cour n’est pas un simple instrument du CNRD pour lui permettre de dérouler tranquillement son agenda ? Sur un autre plan, que fait la justice pour traquer et récupérer les fortunes planquées à l’étranger par d’anciens responsables Guinéens ? Si le CNRD prétend être différent du régime précédent, pourquoi les deux se retrouvent-ils à l’unisson pour refuser insolemment la déclaration des biens, comme le prescrit la loi ? Non ! C’est le même système qui continue, avec simplement une façade repeinte. Nous sommes toujours en plein dans la gestion opaque et sans le moindre contrôle de la fortune publique. Tous les abus sont permis et certainement beaucoup ne s’en privent pas.

Question 5 : Parlons de l’ancien Président Alpha Condé que vous connaissez parfaitement bien. Certains pensent que son séjour en Turquie s’apparente à un exil forcé. Avez-vous la même impression ?

Réponse :  Il est évident que l’ancien président Alfa Konde est un exilé politique. Tout le monde sait qu’il est très actif dans l’arène politique guinéenne et qu’il n’a rien lâché. Mais à 87 ans, sa place ne peut pas être dans des batailles politiques ou l’exil, même doré. Sa place, comme celle des autres dirigeants politiques en exil, est en Guinée, dans le respect de leurs droits de citoyens.

Question 6 : Pendant ce temps il est poursuivi pour des crimes de tout ordre en Guinée, mais le mandat d’arrêt annoncé contre lui par le Garde des Sceaux n’a jamais été émis. Comment comprenez-vous cette situation ?

Réponse : Comme je vous l’ai dit à propos de la CRIEF, tout se passe comme si le sort judiciaire d’Alfa Kondé serait entièrement fonction de l’état de ses relations avec son tombeur du 5 septembre 2021. Plus il se montrera actif et va gêner le CNRD, plus il verra la menace judiciaire se préciser et l’étau se resserrer sur lui. C’est déplorable, car pour nous, la loi doit être la même pour tous les citoyens, du chef de l’Etat au simple citoyen. L’essentiel est que la justice soit impartiale. L’impunité doit prendre définitivement fin si on veut que notre pays sorte de cette mauvaise passe dans laquelle il est enserré depuis tout le temps.
Question 7 : En commun accord avec la CEDEAO, les autorités de la transition avaient fait un chronogramme de transition de 24 mois pour le retour à l’ordre constitutionnel. Huit (8) mois après quelle lecture faites-vous de son niveau d’exécution ?

Réponse : Je crains que vous-même ne soyez en retard en posant une telle question ! Tant il est évident que nous n’avons pas à faire à un gouvernement de transition, mais un pouvoir militaire bien installé et qui entend bien contrôler les destinées du pays. On ne parle même plus de la rançon de 600 millions de dollars US réclamée – on ne sait à qui – pour rendre le pouvoir aux civils. Aucun acte concret n’a été posé dans le sens du retour à l’ordre constitutionnel démocratique. Au contraire, on est en plein dans les manœuvres politico-ethnicistes pour confisquer le pouvoir, en violant la souveraineté du peuple. Vous voyez vous-même tous ces nouveaux entrepreneurs politiques au service du pouvoir. Nous savons tous que la logique du capitalisme politique est en marche. Quant à nos amis, politiciens, opportunistes professionnels, qui se sont entendus avec tous les régimes précédents et qui seront de tous les régimes à venir, tant qu’ils seront en vie, qui ont ciré les bottes du CNRD, pensant que celui-ci travaillerait pour eux, ils sont bien servis ! Il ne leur reste plus qu’à jouer aux nouveaux opposants ! Quand on sait comment le CNRD méprise entièrement toute la classe politique, il y a de quoi plaindre le pauvre peuple de Guinée.

Question 8 : Craignez-vous un glissement du calendrier ?

Réponse : Vous avez déjà la réponse à cette question : nous ne sommes pas en transition. Donc peu importe les délais balancés à la CEDEAO. Nous l’avions dit depuis octobre-novembre 2022, lorsque la junte a échappé aux sanctions de la CEDEAO contre la promesse d’une transition de 24 mois. Même ces 24 mois, on n’a jamais su quand devaient-ils commencer !

Question 9 : Quelles solutions préconisez-vous pour une sortie de crise afin que la Guinée revienne dans l’ordre constitutionnel sans violence ?

Réponse :  Il faut avant tout que tout le corps social guinéen ait conscience que l’Etat post-colonial qui est là depuis 65 ans maintenant est en faillite, dans l’impasse complète, incapable d’assurer le développement harmonieux économique, social et culturel du pays, au bénéfice de tout le peuple, dans la paix, la solidarité. Tant qu’on ne sortira pas de ces Etats prédateurs au profit d’une clique régionale ou une autre et qu’on ne bâtira pas de solides institutions basées sur la Régionalisation avancée, nous n’irons nulle part, sinon de crise en crise. C’est incontournable car malheureusement, la Guinée n’est pas devenue une nation, après 60 ans de colonisation française et 65 ans de dictatures plus ou moins sanglantes, de corruption et de ruine du pays.

Question 10 : Quelle est votre position par rapport à la manifestation annoncée par les forces vives de Guinée le 5 septembre prochain ?

Réponse : Nous ne sommes pas partie prenante de ces manifestations, mais nous disons que ceux qui manifestent sont parfaitement dans leurs droits. Le pouvoir ne peut pas bannir ainsi, indéfiniment toutes les libertés démocratiques. Vous avez vu ce qui se passe avec vos confrères de Guineematin. En toute illégalité, le pouvoir est entrain d’étrangler sélectivement les médias qui les dérangent. Si un média viole la loi, il y a pour cela des voies légales pour sévir. Cet acte est inacceptable.

Question 11 : Quelle analyse faites-vous sur la position de la junte guinéenne par rapport au dossier nigérien ?
Réponse : Je ne voudrais pas être en ce moment à la place de la junte guinéenne sur ce dossier nigérien ! Tout montre qu’ils sont pris entre l’enclume et le marteau ! En effet, ils sont tenaillés entre leurs confrères putschistes maliens et leurs amis français. Face à cette position ambigüe, vous avez vu comment le Mali a pris une décision qui ressemble fort à des représailles, en bannissant récemment sans explication, l’importation de farine de blé et de pâtes alimentaires de la Guinée…

Question 12 : A votre avis si l’option diplomatique échoue, la CEDEAO doit-elle engager une action militaire ?

Réponse : A mon humble avis, compte tenu de tous les enjeux, l’option militaire ne peut pas et ne doit pas être retenue. Ce n’est pas par hasard si le nouveau président du Nigéria, Bola Tinubu, après avoir proféré des menaces d’intervention et envoyé même un ultimatum qui a expiré depuis très longtemps, n’a rien fait. Sa crédibilité est déjà fortement entamée. Mais en fait, les choses sont beaucoup plus compliquées que cela. Le mieux serait que la CEDEAO accentue la pression pour imposer une solution pacifique qui ne passerait pas forcément par le retour de Mohamed Bazoum au pouvoir. D’un autre côté, tout montre que ces sanctions ont déjà des effets très négatifs sur la vie des larges populations nigériennes. C’est assez préoccupant. Une solution négociée doit intervenir sans plus tarder.

Question 13 : D’après vous comment sortir de cette spirale de coups d’Etat en Afrique de l’Ouest ?

Réponse : Le problème qui est posé à la Guinée est, à quelques nuances près, le même que celui qui se pose à tous les Etats d’Afrique noire issus de la colonisation européenne. Pire encore, ces micros Etats, résultant de la balkanisation de l’Afrique après les indépendances, ne sont pas viables. Un responsable français anonyme avait très justement décrit en 1991, nos Etats comme étant des « républiquettes veinardes et clochardes, sans avenir ». Imaginez-vous une cinquantaine d’Etats ayant chacun son roitelet, sa cohorte de ministres, son armée pléthorique, ses innombrables fonctionnaires, ses milliers de kilomètres de frontières à garder, ses douaniers, ses ambassadeurs partout dans le monde. C’est insupportable ! Si nous avions des fédérations d’Etats, tout ce fardeau aurait été bien réparti et l’essentiel des ressources serait enfin affecté au développement. Ce n’est pas pour rien que les colons français et anglais pour qui la colonisation devait être rentable, avaient créé partout des fédérations : Afrique occidentale française (AOF), Afrique équatoriale française (AEF), Fédération de Rhodésie-Nyassaland et Fédération des pays d’Afrique de l’Est. Mais justement, sachant que c’est la seule voie de salut pour nous, les puissances coloniales font le maximum pour empêcher ces regroupements salutaires. Souvenez-vous de l’éclatement de la Fédération du Mali (Sénégal et Soudan) et l’élimination du Président Kwame Nkrumah, le plus grand homme d’Etat de l’Afrique depuis nos ancêtres les pharaons d’Egypte ancienne, celui-là qui, justement se battait de toutes ses forces, pour l’unité de l’Afrique. Plus près de nous, voyez cette affaire de monnaie commune de la CEDEAO, l’Eco, en panne depuis plus de 15 ans à cause de l’opposition farouche de la France qui contrôle le Franc CFA. Là aussi, c’est incontournable. Sinon nos Etats moribonds vont se traîner de crise plus ou moins sanglante en crise, en aggravant tous les jours un peu plus la misère ou même la famine des populations, surtout les jeunes, jusqu’à ressembler à Haïti, qui après 200 ans d’indépendance doit s’en remettre à des forces de police de l’ONU pour régler la circulation dans la capitale, Port-au-Prince ! Dans ces conditions, les putschs, une clique remplaçant une autre, le narco trafic, feront partie du quotidien de nos Etats.

Question 14 : On a tendance à croire que la France est conspuée, la Russie adoubée par certains putschistes. Quelles conséquences d’après sur la stabilité des États africains ?
Réponse : Ce sont les jeunes dans leur détresse qui pensent que tout est toujours la faute de quelqu’un d’autre, la France par exemple. Nous devons nous mettre en cause. Les élites africaines, les dirigeant ont été des acteurs et complices de la traite négrière qui a coûté très cher et qui a énormément retardé l’Afrique. Les troupes coloniales qui ont vaincu les résistants africains et permis l’installation des colons, étaient nos frères. Ce sont les élites africaines aliénées qui ont pris le contrôle des Etats africains après les indépendances octroyées, pour continuer à servir les intérêts de leurs maîtres. Il faut plaindre l’esclave qui, plutôt que de lutter pour se libérer, va plutôt trouver que tel maître vaut mieux que tel autre. Aujourd’hui l’Etat français récolte les fruits de sa politique de domination du pré-carré. Sauf qu’aujourd’hui, en ces temps de mondialisation, la concurrence est très rude entre les puissances économiques du monde pour s’emparer de nos richesses et transformer nos pays en déversoir pour leurs produits. L’impérialisme français est très affaibli et n’a plus les moyens de sa politique. Mais il est très important de souligner que le peuple français ne peut pas et ne doit pas être notre adversaire. Nous autres y avons été formés et savons que c’est un peuple généreux qui souffre beaucoup aujourd’hui de leur système en crise.

Question 15 : D’après vous la présence française dans certaines de ses anciennes colonies pose-t-elle problème ?

Réponse : La présence de bases militaires françaises en Afrique découle des accords secrets imposés aux nouveaux Etats en 1960. Soyons clairs : ces bases répondent à des intérêts stratégiques de l’ancienne puissance coloniale et en aucun cas à celui des peuples africains. Rappelez-vous qu’en 1964 c’est l’armée française basée à Libreville qui avait rétabli au pouvoir Léon Mba renversé par l’armée gabonaise, de loin inférieure en nombre aux soldats du contingent français. La plupart des coups d’Etat en Afrique sont commis à l’instigation ou avec la bénédiction des puissances extérieures disposant sur place de bases militaires et ou/ de conseillers étrangers. Souvenez-vous des dirigeants africains récalcitrants vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale renversés par les services secrets français : Sylvanus Olympio en 1963 et Modibo Keïta au Mali en 1968. L’avenir de l’Afrique ne peut se concevoir avec la présence de bases militaires étrangères, quelles que soient les puissances concernées. Nous devons désormais veiller à ce que jamais plus, des éléments extérieurs viennent arbitrer nos conflits, car ils le feront toujours à leur profit, comme ce fut le cas dans les deux Congo.

Question 16 : Comment les dirigeants africains devraient-ils repenser leur partenariat de défense vis-à-vis des pays occidentaux ?

Réponse : Il faut d’abord que les Etats africains aient en commun une politique de défense. Dans la réforme profonde de nos institutions, il faudra repenser de fond en comble la place et le rôle des services de sécurité. A quoi servent ces armées en surnombre, qui absorbent inutilement les maigres ressources de nos pays. Comment expliquer que malgré la présence de ces grosses armées, des narco-jihadistes terrorisent les populations et qu’il faille faire appel à l’extérieur pour les contenir ? Comme disait un Camerounais : « Que voulez-vous faire de ces hauts gradés au gros ventre et au cou plié ? ». Ils ne sont pas là pour défendre le peuple, les institutions démocratiques, l’Etat de droit et pour sécuriser et assister les populations en cas de besoin

Question 17 : Finalement, voulez-vous dire que le bilan de ces 2 années du CNRD est entièrement négatif ?

Réponse : Non, nous ne disons pas cela. Notre problème est qu’ils ont remué énormément de problèmes, mais n’en ont résolu durablement, aucun. Nous pouvons passer en revue différents secteurs d’activité.
Infrastructures : Fin août 2021, il n’y avait pratiquement pas de chantiers en activité. Tout était à l’arrêt, suite au programme de  » gouverner autrement  » qui visait à arrêter les vols et les détournements. Donc, avec les signaux positifs délivrés par les nouvelles autorités après le 5 septembre 2021, beaucoup de chantiers à l’arrêt ont été achevés, à la satisfaction des populations. Beaucoup d’initiatives ont été prises pour dégager les espaces urbains abusivement occupés par les commerces. Des travaux ont été réalisés à l’intérieur du pays pour améliorer le trafic. Mais bien entendu, on est très loin du compte. Il reste énormément à faire, tant le retard accumulé est énorme. Mais nous avons la preuve qu’avec un minimum de rigueur dans la gestion des finances publiques, on peut faire beaucoup de choses.
Fonction publique : il y a eu des efforts louables pour mettre fin aux énormes détournements de deniers publics, par le biais des emplois fictifs. Mais là aussi, le mal est si profond qu’on est très loin du compte. Ces efforts doivent être décuplés pour qu’on en sorte, tant le fardeau de l’État est insupportable. Toutes les catégories d’agents de l’État doivent être concernées.
Education : il y a eu des efforts louables, pour remettre le système sur les rails, nous pouvons en témoigner. Surtout avec l’assainissement des examens. La prise en charge des contractuels communautaires aussi a été une bonne chose, même si le dispositif n’a pas fonctionné entièrement. Le plus gros problème de notre système éducatif reste cette orientation massive des enfants vers l’enseignement général qui produit en masse des chômeurs et des inadaptés sociaux, candidats à la noyade en Méditerranée. L’autorité publique doit prendre des dispositions fermes pour mettre fin à cette situation. Après tout, c’est vers l’État encore que les millions de chômeurs diplômés se tourneront encore pour un emploi. Nous devons insister sur le fait que le mal du système éducatif est si profond qu’il est illusoire et même dangereux de penser qu’on peut guérir cette gangrène en deux ou trois ans.
Du côté de l’Administration territoriale, il y a eu des efforts louables pour qu’à la base, les mairies, les sous-préfets améliorent leurs performances. Mais hélas, le système corrompu hérité a la vie dure, ce qui réduit à presque néant les efforts consentis.
Dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage ça bouge aussi, mais là aussi il y a beaucoup de problèmes qui risquent de réduire à néant les sacrifices budgétaires consentis par l’État. Le plus grave pour nous est que la bonne santé, la productivité de l’agriculture ne peut pas aller sans la protection de l’environnement.
Et là, nous en sommes toujours hélas au même point. Il y a trop à dire sur ce chapitre, surtout avec les dégâts causés par les mines et la déforestation continue. Plus grave, le modèle de l’agriculture productiviste en vogue en Occident a fait lamentablement faillite. On détruit la terre ! Les engrais chimiques plus les herbicides et les pesticides, ne sont absolument pas la solution miracle.
Un secteur comme la justice a bougé positivement mais là aussi, on est très, très loin du compte.
Pour schématiser on peut dire que le verre n’est pas vide mais seulement à moitié vide…Le plus important est la pérennité et la profondeur des réformes à mener. Sinon il n’y aura aucune raison pour que les mêmes causes ne produisent pas très vite les mêmes effets. C’est la logique du système.

Propos recueillis à Conakry le 30 août 2023 par Oumar Bady Diallo

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