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mardi, novembre 12, 2024

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Les Droits de l’Homme en Guinée : Que prévoit l’Avant-Projet de la Constitution ? (Tribune de Dr Thierno Souleymane BARRY)

Dans cette tribune que nous vous recommandons, Me Thierno Souleymane Barry revient sur ce que l’avant projet de Constitution prévoit pour les droits de l’homme en Guinée.

29 juillet 2024, tenue de la plénière du Conseil National de la Transition (CNT) sur la présentation de l’avant-projet de la Constitution de la République de Guinée. Nous saisissons cette opportunité pour porter notre modeste regard sur cette importante norme destinée à définir les principes fondamentaux de notre Etat, à reconnaitre et protéger nos droits et à gouverner nos institutions et régir les interactions entre elles, dans la logique froide d’un spécialiste des questions des constitutions de transition et de la théorie des droits humains, recherches entamées dans années 2000 à la Chaire Unesco des droits de la personne et de la démocratie (Université d’Abomey-Calavi) à Cotonou (Benin) lors de nos études de DEA, avec le mémoire « Transitions démocratiques et droits de la personne en Afrique de l’ouest francophone : cas du Benin, de la Guinée, du Mali et du Togo », sous la rigoureuse direction du Pr Théodore HOLO, publié aux Editions l’Harmattan-Guinée, sous le même titre. Notre lecture de l’Avant-Projet de la Constitution de la République de Guinée portera sur les aspects normatifs et institutionnels encadrant les droits fondamentaux des citoyens du pays, avec un clin d’œil sur l’obligation qu’incombe aux autorités de la transition d’en assurer la garantie effective dès à présent et tout au long du processus transitoire.

 

D’emblée, nous voudrions faire deux observations : notre regard porte sur le texte de la présentation de l’avant-projet de constitution de la Guinée, seul texte disponible en ce moment, d’une part et d’autre part, en raison de leur importance, notre lecture ne s’intéresse qu’aux dispositions consacrant les droits fondamentaux tant dans leurs aspects normatifs qu’institutionnels. D’autres tribunes sur le reste du texte suivront. Néanmoins, l’absence d’un texte consolidé et complet en respect des canons de la légistique ne fait pas obstacle à notre acte citoyen de lecture du texte qui est destiné à gouverner nos vies et celles de nos institutions ; on ne commente que ce l’on a sous les yeux comme le dit un adage populaire. 

C’est pour cette raison que nous continuons à penser que la mise à disposition d’un texte consolidé de l’avant-projet de notre texte fondamental commun, à ce stade d’élaboration avancé, est de nature à participer à sa vulgarisation avant terme et à donner au citoyen lambda comme au haut fonctionnaire le sentiment de poser sa brique à l’édification de notre Case Commune Guinée. Nous pensons être entendu sur ce point par le législateur de la transition. C’est notre recommandation pour une large et légitime appropriation de notre future constitution.

Ainsi, dans la présente tribune (elle est inhabituellement longue cette fois-ci ; nos excuses à nos fidèles lectrices et lecteurs), nous verrons successivement les principes enchâssés dans le préambule, les droits humains reconnus aux individus, les institutions instaurées pour garantir leur effectivité et l’importance de ne pas faire l’économie du respect des droits humains durant cette importante phase transitoire.

Principes de base des droits humains inscrits dans le préambule et sa place dans le bloc de constitutionnalité

En premier lieu, nous allons nous pencher sur les principes fondateurs sur lesquels s’adossent la reconnaissance des droits humains et sur la place et l’importance du préambule dans l’avant-projet du texte constitutionnel du pays. La majeure partie des points du préambule sont relatifs aux droits humains et à la création d’un environnement favorable à leur épanouissement. 

 

Les points 3, 5 et 6 vont dans le sens de l’établissement d’un ordre constitutionnel fondé sur l’Etat de droit, la démocratie pluraliste et le respect de ce même ordre constitutionnel par l’opposition du peuple à toutes les formes de gouvernance non démocratique (changements anticonstitutionnels, dictature, injustice et autres). C’est ainsi que le point 3 est celui par lequel le peuple de Guinée proclame « son attachement (…) à la primauté et au respect de l’ordre constitutionnel ». Dans le même ordre d’idée, l’« engagement du peuple à édifier un Etat de droit et de démocratie pluraliste » constitue le point 5. Pour compléter le tout, le point 6 est relatif au « rejet de toute forme d’accession, de maintien et de transmission inconstitutionnels du pouvoir ainsi que tout régime fondé sur la dictature, l’injustice, le régionalisme ; l’ethnocentrisme et le népotisme ». Au vu de l’expérience récente et au regard de ses incalculables effets néfastes sur le processus démocratique, l’interdiction de toutes les formes de manœuvre devant conduire à un troisième mandat devrait être explicitement mentionné dans le texte constitutionnel. Le « third-termism » a été le tombeau de notre démocratie naissante.

Les points 4, 9 et 10 sont, quant à eux, consacrés à l’affirmation des principes et droits fondamentaux de l’être humain. Ainsi, le point 4 est réservé à son « adhésion aux instruments consacrant les libertés et droits fondamentaux de l’être humain ». Le point 9 consacre sa « détermination à promouvoir la bonne gouvernance et à lutter contre la corruption et les crimes économiques et financiers ». A travers le point 10, le peuple de Guinée affirme « sa souveraineté inaliénable sur toutes ressources naturelles et les richesses nationales. ». Les instruments consacrant les droits humains visés devraient comprendre la Charte des Nations Unies de 1945, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, les Pactes de 1966 et leurs protocoles additionnels (Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et ses protocoles additionnels. Ne pourrait – on faire œuvre authentique ici en invoquant des textes de même nature issus de l’histoire du pays ? Pensons à la Charte de Kurukan Fuga de 1236 ; les travaux du Pr Djibril Tamsir NIANE ont été déterminant pour sa récension. Ses dispositions en font une véritable charte des droits à l’instar des chartes anglaises comme le Magna Carta. Pour illustration, son article 5 est ainsi libellé : « Chacun a droit à la vie et à la préservation de son intégrité physique. (…).» Pensons également aux divers Pactes de Fugumba, Timbo et autres, véritable modèle de démocratie représentative et d’alternance au pouvoir ; les recherches des Pr Alfa Ibrahima SOW, Pr Boubacar BARRY et Pr Ismael BARRY sur le sujet sont évocateurs. Il y est proclamé le serment du chef d’agir dans l’intérêt du peuple et des mécanismes d’alternance au pouvoir sont posés, notamment. On peut élargir ces textes fondateurs aux pactes de prévention des conflits et de consolidation de la paix en région forestière à l’image du Pacte de Missadou (1694) qui illustre parfaitement la quête du vivre en commun ; les études du Pr Aly Gilbert IFONO et d’autres s’avèreront utiles. Suivant le même élan, on retrouvera sans doute des pactes semblables en Basse-Guinée en interrogeant les travaux du Dr Marie-Ivonne CURTIS et d’autres. L’affirmation de la souveraineté du peuple sur ses ressources naturelles et ses richesses nationales est une excellente avenue pour un pays minier comme la Guinée ; seulement, il faut l’associer aux principes de bonne gestion et à l’obligation de consultation des populations. Il serait utile d’invoquer dans le préambule en des termes les plus solennels la lutte contre les effets des changements climatiques et pour la protection de l’environnement. La démocratie n’ayant de sens que si elle provient du peuple, on pourrait également ajouter dans le préambule le principe de gouvernance locale.

Le dernier élément du préambule souligne l’« intégration du préambule dans le bloc de constitutionnalité ». Effectivement, le préambule fait corps avec le reste du texte constitutionnel. Les principes qu’il énonce sont placés au rang de principes à valeur constitutionnelle et non des simples affirmations solennelles dépourvues de caractère contraignant et s’interprètent comme telles par le gardien constitutionnel. Faisant partie du bloc de constitutionnalité et situant au sommet de cette pyramide, tout texte inférieur lui est subordonné et doit être conforme à ses prescriptions sous peine de nullité absolue. Plusieurs décisions majeures ont confirmé l’intégration du préambule dans les prescriptions obligatoires de la constitution et la supériorité de cette dernière sur toutes normes infra-constitutionnelles. Pour rappel, le bloc de constitutionnalité est composé par ordre décroissant de la constitution, des traités, de la loi, du règlement et des décisions administratives.

Les droits humains garantis : des points à saluer et des oublis à rétablir

En second lieu, nous allons nous intéresser sur le contenu des droits humains reconnus aux citoyens dans l’avant-projet de la constitution de la Guinée. C’est la « Première partie. De l’Etat, des principes fondamentaux de la République » dans son « Titre II. Des libertés, des droits et des devoirs » de l’avant-projet de constitution qui traite des droits humains. On y retrouve l’affirmation des principes transversaux, des droits civils et politiques, des droits économiques, sociaux et culturels, les droits de solidarité et des devoirs et des dispositions de sauvegarde.

Au niveau des principes transversaux proclamés, figurent en bonne place les principes de liberté, d’égalité, de dignité et de non-discrimination. Ces principes, en plus d’être eux-mêmes des droits autonomes, ils sont aussi des principes directeurs associés à toutes les catégories de droits humains reconnus.

Les droits civils et politiques reconnus dans l’avant-projet de constitution concernent la parité homme/femme, la sacralité et inviolabilité de l’être humain, l’interdiction de la peine de mort, de la traite des êtres humains et de l’esclavage, la protection de l’intégrité physique et proscription des atteintes à ce droit, le droit à un procès équitable, le droit de cortège et de manifestation pacifique, la liberté d’association, la liberté de circulation et d’établissement sur toute l’étendue du territoire national, la liberté du citoyen d’entrer et de sortir du territoire national, l’interdiction de contraindre un citoyen à un déplacement forcé et à l’exil, le droit d’asile, le droit au respect de la vie prive et familiale, le droit à l’inviolabilité du domicile, le droit de propriété sous réserve d’une expropriation pour cause d’utilité publique et d’une juste et préalable indemnisation, la liberté de presse, d’expression et de communication, le droit d’accès à l’information publique, la garantie du droit de pétition des citoyens inscrits sur une liste électorale, le droit des guinéens établis à l’étranger de participer à la vie de la nation et le droit à la compréhension de la constitution. On pourrait rajouter l’intégrité mentale à la protection de l’intégrité physique. De même, au niveau du droit de propriété sous réserve d’une expropriation pour cause d’utilité publique et d’une juste et préalable indemnisation, il ne serait superflu d’ajouter sous le contrôle du juge. A la liberté de presse, d’expression et de communication, il est plus qu’important d’ajouter la liberté d’opinion qui en est la base. L’insertion de deux droits nous semble importants à saluer : c’est celui de la garantie du droit de pétition aux citoyens et celui du droit des guinéens établis à l’étranger de participer à la vie de la nation, droits mentionnés ci-haut. Ici, il faudra en tracer les grandes lignes au risque de produire des vœux pieux. Au droit à la compréhension de la constitution, une sorte d’éducation à la vie démocratique, il serait utile d’ajouter l’éducation aux droits de l’homme. Il serait également nécessaire d’ajouter aux droits civils et politiques que dessus le droit à un traitement humain et dans la dignité des personnes privées de liberté, l’interdiction de l’emprisonnement pour régler des obligations de nature contractuelle et le droit de prendre part, sans discrimination, à la direction des affaires publiques et d’accéder de manière égale aux fonctions publiques du pays.

Les droits économiques sociaux et culturels reconnus concernent, quant à eux, le droit à l’éducation, le droit à la santé, le droit à un travail décent, le droit à un logement décent, le droit au mariage, la protection spéciale des enfants, la protection spécifique des handicapés et la protection spécifique des personnes âgées. Il serait intéressant d’ajouter à ces droits économiques, sociaux et culturels listés ci-dessus le droit à un niveau de vie suffisant et le droit de participer à la vie culturelle du pays. Il faudrait également nommément citer le droit à la liberté syndicale et aux négociations collectives ainsi le droit à la sécurité sociale, s’il le faut, à part, du droit à un travail. Un aspect à saluer est l’adjonction du mot « décent » au droit à un travail et au droit à un logement ; cet élément apporte un aspect qualitatif au concept travail et logement, conformément aux normes de l’OIT. Ici également, on pourrait prévoir des mesures de sauvegarde des droits proclamés de manière identique à l’article 4 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent que, dans la jouissance des droits assurés par l’Etat conformément au présent Pacte, l’Etat ne peut soumettre ces droits qu’aux limitations établies par la loi, dans la seule mesure compatible avec la nature de ces droits et exclusivement en vue de favoriser le bien-être général dans une société démocratique. » On remarquera facilement que les restrictions sont assorties à l’existence d’une base légale, la proportionnalité des mesures restrictives et surtout la protection de l’intérêt général. Toujours en tenant compte de la nature particulière de ces droits et surtout pour en garantir la justiciabilité, on pourrait insérer une disposition semblable à l’article 2 du Pacte précité : « Chacun des Etats parties au présent Pacte s’engage à agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives. » Il appartiendra ainsi à l’Etat de déterminer la mise en œuvre progressive de ces droits dont certains aspects nécessitent la réunion de moyens importants.

Les droits à la solidarité sont évoqués mais rangés dans le préambule et au sein des droits économiques, sociaux et culturels. Deux d’entre eux seulement y figurent : le droit du peuple à disposer de ses ressources naturelles et de ses richesses nationales et le droit à un environnement sain. Il serait intéressant que leur rédaction finale soit proche aux dispositions détaillées figurant respectivement aux articles 21 et 24 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981. Il serait intéressant d’y ajouter les autres droits de solidarité comme le droit du peuple au développement, le droit à la jouissance du patrimoine commun de l’humanité et le droit à la paix et à la sécurité.

Un ensemble de devoirs clos le titre consacré aux droits et libertés. Ces devoirs sont les pendant des droits. Il s’agit notamment du droit de payer l’impôt et du droit de s’acquitter convenablement de ses responsabilités envers la nation. Il est reconnu à l’individu « le devoir de tout citoyen de défendre l’intégrité du territoire national et de s’opposer à toute forme d’accession, de maintien et de transmission inconstitutionnel du pouvoir ». Il faut transformer ce devoir en droit tant vis-à-vis du peuple que de celui de l’individu et de l’écrire en des termes clairs. Au regard de l’histoire du pays, il est essentiel de faire figurer le droit du peuple à la résistance à l’oppression dans notre texte constitutionnel comme ultime recours.

Un dernier point concerne les mesures de sauvegarde des liberté fondamentales en permanence et en temps de crise ; le texte proclame l’« inviolabilité et inaliénabilité des droits et libertés consacrés et impossibilité qu’une situation d’urgence ou d’exception ne puisse justifier la violation des droits humains ». Cet aspect a tout son sens d’autant plus que les périodes de crise sont les moments les plus propices aux violations des droits humains. Il serait intéressant de le libeller à l’image de l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 : « Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les Etats parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l’exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu’elles n’entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale. » On pourrait compléter cette disposition par un second alinéa mentionnant l’impossibilité de dérogation sur ce qui est convenu d’appeler le « noyau dur » des droits humains en l’écrivant en ces termes : « La disposition précédente n’autorise aucune dérogation au droit à la vie, à l’interdiction de la torture et autres peines et traitements cruels et dégradants, à la réduction à l’esclavage et pratiques analogues et au respect du principe de la non rétroactivité de la loi pénale. » Tous les autres droits qui admettent des limitations peuvent être libellés de manière à garantir leur intégrité contre les restrictions arbitraires à l’image de l’article 21 du Pacte précité : « Le droit de réunion pacifique est reconnu. L’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui. » On y remarque que la reconnaissance du droit est immédiatement suivi de légalité et de nécessité avec des motifs limitativement énumérés.

Le cadre institutionnel pour la garantir des droits humains : des efforts à faire

En troisième lieu, nous allons examiner les institutions à mettre en place pour garantir le respect des droits fondamentaux des citoyens guinéens. Le Président de la République devrait être logiquement le garant des droits humains des citoyens. Le Premier ministre est aussi le garant de la promotion et de la protection des droits humains. La légifération sur les droits humains relève de la compétence de l’Assemblée Nationale. Si les circonstances le permettent, son autorisation préalable devrait être requise suivant les lois sur les mesures d’urgence, pour toutes mesures allant dans ce sens, de même que son accord express pour leur renouvellement. Ce ne sont là que des garanties de respect des droits humains en temps de crise. La Cour constitutionnelle a compétence sur le champ des droits humains. Il serait intéressant d’ouvrir la saisine directe aux particuliers pour les violations des droits humains comme le fait éloquemment le Benin, avec sa Cour constitutionnelle et son abondante jurisprudence en la matière. La Cour suprême garde la compétence sur la légalité des actes administratifs sous ses différentes variantes et sous certaines réserves. Le Conseil supérieur de la magistrature joue un rôle essentiel dans la protection des droits humains en garantissant l’indépendance des juges. Il serait intéressant que sa composition puisse être revue de manière à inclure même des citoyens justiciables suivant les modalités qui pourraient être définies. Il faudrait rendre obligatoire, à même la constitution, son avis pour tout acte concernant la carrière des magistrats en vue de garantir leur indépendance contre les immixtions et autres représailles de l’exécutif. Il demeure indéniable que le juge ordinaire est le premier garant des droits humains. 

Il est prévu une Commission nationale de l’éducation civique et des droits de l’homme. Nous émettons des sérieuses réserves sur l’adjonction « éducation civique » aux droits de l’homme pour cette importante institution nationale. Le risque de dilution des réelles missions de promotion et de protection des droits humains dans des tâches floues d’éducation civique est très grande. Nous plaidons pour le maintien d’une « Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme », dans la tradition d’une Institution Nationale des Droits Humains (INDH) qui est organe par lequel l’Etat se donne ressources et moyens pour remplir sa mission de garantir le respect des droits humains. Par le passé, cette institution a eu des difficultés nées de son absence de conformité avec les canons traditionnels d’une institution dont les normes et principes sont définies par les Nations Unies, à travers les Principes de Paris. Ces principes, qui portent le nom de leur lieu d’adoption par les Nations Unies comme de coutume, sont un ensemble de règles permettant à ces institutions de s’acquitter convenablement de leur mission sans interférence de l’Etat, le plus important d’entre eux est que les membres provenant des organes de l’Etat ne doivent pas être majoritaires dans sa composition et doivent avoir une voix consultative lors de ses travaux.

L’importance de ne pas faire l’économie du respect des droits humains pendant la période transitoire : préparer le terrain pour le respect de l’humain

En quatrième et dernière analyse, nous avions mentionné dans une précédente tribune que le bilan de l’actuel Premier Ministre, Monsieur Amadou Oury BAH, en raison de son combat antérieur pour les droits humains (membre fondateur de l’OGDH) et son expérience ministérielle précédente (ancien ministre en charge de la réconciliation nationale) sera principalement examiné sous deux angles : le respect des droits humains et l’instauration d’une réconciliation nationale effective. La présente tribune porte sur les droits humains et celle sur la réconciliation nationale était intitulée « Amorcer le chantier de la réconciliation nationale en Guinée : un défi à relever pour le nouveau gouvernement » (Tribune Juris Guineensis No 60, 04 avril 2024). Nous voulons mentionner ici que ce futur texte fondamental ne vaudra que par son application rigoureuse. Les autorités aux commandes de l’Etat guinéen, en particulier les autorités gouvernementales, ont l’obligation d’améliorer le bilan en matière du respect des droits de l’individu et du climat sain du vivre-ensemble. S’investir dans le respect des droits humains s’avère inéluctable pour le capital humain nécessaire au développement du pays. 

En somme, il n’est point besoin d’insister sur l’intérêt de la norme constitutionnelle qui sera soumis à l’appréciation du peuple dans l’agencement normatif et institutionnel du pays. En effet, l’enchâssement des idéaux, principes et droits dans le préambule de l’avant-projet de la constitution guinéenne préfigure les normes, les institutions et l’interaction entre elles dans le texte. Logiquement, le reste du texte devra scrupuleusement être en accord avec les idéaux et principes qui se trouvent dans le préambule qui est, plus qu’un exposé de motifs mais l’énoncé de la philosophie qui sous-tend l’ensemble et dont il fait partie intégrante. Les dispositions portant sur les droits humains reconnus fondent l’objectif même d’un Etat, qui est principalement la protection de la personne humaine.

Cette présente tribune marque également le début de notre pause habituelle en raison des vacances académiques et judiciaires, sous réserve de la survenance d’un évènement d’importance particulière. C’est le lieu et l’occasion, pour nous, de remercier les responsables des médias guinéens et étrangers (journaux de la presse écrite, médias audiovisuels et électroniques et autres supports des réseaux sociaux) pour l’accueil et de saluer les lectrices et lecteurs pour l’intérêt accordé à notre tribune.

Mamou, le 08 aout 2024

Juris Guineensis No 67

Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D

Docteur en droit, Université de Sherbrooke/Université Laval (Canada)

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour

 

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