4.8 C
New York
jeudi, décembre 5, 2024

Buy now

spot_img

 » Transition, avant projet de la constitution, refondation… » à coeur ouvert avec Dr Zoutomou Kpogomou

« « Cette campagne n’avait pas lieu d’être, parce que l’avant-projet de constitution autour duquel cette campagne de vulgarisation a été conçue, est un avant-projet qui n’a pas été mis en place avec l’assentiment de tous ceux qui sont intéressés à la gestion de la transition. Alors,  quand on met un avant projet de constitution qui devait prendre les intangibilités  qui sont dans la charte de la transition, les conduire dans l’avant-projet, c’est qu’on a l’impression que c’était fait justement pour conforter effectivement les positions de consolidation de la junte au pouvoir. », dixit Dr  Édouard Zoutomou Kpogomou, président du parti de Union Démocratique pour le Renouveau et le Progrès, également Vice-président de l’alliance Nationale pour l’Alternance et la Démocratie (ANAD), dans cette interview qu’il a accordée à www.couleurguinee.com 

 

www.couleurguinee.com: le Conseil National de la Transition poursuit actuellement la campagne de vulgarisation de l’avant-projet de la nouvelle constitution. Votre regard sur cette actualité ? 

Dr Édouard Zoutomou Kpogomou,

Nous nous sommes dits dès le départ que cette campagne n’avait pas lieu d’être. Parce que l’avant-projet de constitution autour duquel cette campagne de vulgarisation a été conçue, est un avant-projet qui n’a pas été mis en place avec l’assentiment de tous ceux qui sont intéressés justement à la gestion de la transition. Alors, quand on met un avant projet de constitution qui devait prendre les intangibilités  qui sont dans la charte de la transition, les conduire dans l’avant-projet, c’est qu’on a l’impression que c’était fait justement pour conforter effectivement les positions de consolidation de la junte au pouvoir. Pourquoi je le dis ? Quand vous voulez faire un avant-projet de constitution, comme le Conseil National de la Transition l ‘avait fait, ils étaient allés, de façon supposée, dire qu’ils étaient allés justement recueillir l’avis des populations en ce qui concerne le contenu de cette constitution.

Ils sont revenus faire un avant-projet de constitution à l’élaboration duquel, même au niveau du CNT, tous ceux qui sont de la commission des lois n’ont pas su, n’ont pas été informés, n’ont pas été associés à la rédaction de cet avant-projet. Alors, quand ça, ça finit, nous, nous pensions qu’ils attendaient justement que la constitution soit élaborée puisqu’ils ont déjà reçu de la population ce qui était, disons, important pour elle ou ce qui était important pour la population, qu’ils l’avaient déjà eue. Donc, on avait besoin simplement d’élaborer une constitution et de la soumettre à un référendum.

Mais dans cette élaboration, nous avons tenu à ce que les intangibilités qui avaient été effectivement consacrées dans les articles 46, 55 et 65 de la charte, soient effectivement reconduites. Ces intangibilités faisaient en sorte que les membres du CNRD et le président de la transition ne devaient pas être des candidats à n’importe quel poste électif. Ça, ça a été dit dès le départ et  c’est consacré dans l’article 46.

Dans l’article 55, il y a le fait que le premier ministre lui-même et ses ministres ne peuvent pas candidater à des postes électifs non plus. Et il y a, disons, l’article 65 qui interdit aux membres du CNT de faire la même chose. Alors, si ces articles-là sont enlevés de l’avant-projet de la constitution,  ça veut dire qu’on a laissé le boulevard ouvert à toutes ces entités, à tous ces organes, de pouvoir effectivement apporter, disons, à présenter des candidats.

Si ça ne se dit pas. Parce que ce n’est pas dit. Si c’est pas dit, c’est pas une infraction, si on le fait. Ça peut être une infraction, mais ça dépend du contexte dans lequel ça se fait. Et ça, ça a été fait à dessein. Nous pensons que c’est dans le sens de la consolidation, la confiscation du pouvoir par le CNRD. Parce que c’est de ça qu’il s’agit. Ça a été cela tout au long, dès le départ. Quand on veut vulgariser, ce ne sont pas les élèves qui n’ont pas l’âge de voter qu’on vise. Quand on va fermer des écoles où il y a des enfants d’une dizaine d’années qui ne sont pas, disons, je ne dis pas qu’ils ne sont pas Guinéens, mais ils ne sont pas habilités à voter, qu’est-ce qu’ils vont comprendre dans un avant-projet de constitution ?  On peut leur expliquer que c’est dans le cadre de l’éducation, et dans le cadre de l’éducation civique qu’on leur donne. Mais, ce sont des enfants qu’on vient prendre et on oblige les enseignants à fermer les écoles simplement pour qu’on dise qu’il y a du monde. Or, campagne de vulgarisation ou référendum, ce sont les électeurs, effectivement, qui contribuent et qui vont se prononcer dessus. Mais, quand on les laisse de côté, on prend les enfants, ça veut dire encore une fois, qu’on a d’autres idées derrière la tête. C’est pour simplement montrer que nous sommes en train de faire un référendum. Le Problème maintenant, c’est quoi ? Je dis, on peut dire qu’on est en train d’expliquer, effectivement, les fondements de l’avant-projet de constitution à la population. Mais le problème, c’est quoi ? On parle d’avant-projet de constitution, quand on parle d’avant-projet de constitution, il faut avoir déjà eu, je dirais, une sorte d’agrément sur les éléments constitutifs, justement, de cet avant-projet. C’est la participation de tous ceux qui prendront part à ce processus de transition dans lequel nous sommes. Les éléments constitutifs, ce sont les partis politiques, ce sont les syndicats, que ce soit des partis d’opposition, il ne  devrait même pas y avoir de partis d’opposition. Parce que dans une transition, une transition, c’est une anomalie au cours de laquelle, il n’y a pas de parti au pouvoir en réalité. S’il n’y a pas de parti au pouvoir, ça veut dire qu’il n’y a pas de parti d’opposition. C’est la raison pour laquelle on dit que c’est une période exceptionnelle, une période de transition. Ceux qui sont au pouvoir sont supposés simplement gérer le pays par consensus avec tout le monde. .

Mais aujourd’hui, ce qu’on aime faire, c’est faire en sorte qu’on organise les choses avec les factions qui accommodent le CNRD et les factions que le CNRD accommode aussi. C’est ce qui est en train de se faire et pour cette raison-là, elle ne présentera pas quelque chose de cohérent, elle ne présentera pas quelque chose qui va vraiment faire les affaires. Le problème aussi, c’est que j’avais dit ça à un moment donné, on pervertit les termes, on pervertit les définitions pour leur donner un sens qu’il ne faut pas.

Quand on dit que la transition, c’est pour des projets de développement, c’est qu’on est en train de laisser carrément les objectifs de la transition qui auraient dû être le retour à l’ordre constitutionnel. Parce que quand le CNRD est venu, il a étalé toute une litanie de problèmes concernant les droits des hommes, les arrestations arbitraires, le fait qu’il n’y a pas de liberté d’expression et les partis politiques étaient mis sous scellé et barricadés. Ils ont dit qu’ils venaient corriger tout ça.

Quand on vient corriger, on n’a pas besoin donc de chercher une majorité absolue. Mais, quand on vient déjà avec l’idée de rester au pouvoir et de faire en sorte qu’il y ait une certaine couverture pseudo-démocratique, on fait en sorte que l’on s’aligne carrément dans cette direction, en faisant croire que ce sont des approches démocratiques. Sinon, on n’a pas besoin de chercher à avoir une majorité pour les gens qui viennent effectivement résoudre des problèmes bien donnés et puis s’en aller.

Donc la durée est limitée. Sinon, vous allez chercher la majorité. Pourquoi ? Ils ont cherché la majorité même au moment où on élaborait la charte de la transition. La charte de la transition n’avait pas besoin de majorité. Bien sûr, il fallait l’apport de toutes les factions. Je l’ai dit à un moment donné, on avait invité toutes les formations politiques à aller donner leurs contributions.

Nous avons tous écrit des mémos qu’on devrait donner, mais nous avons des mémos au niveau de nos formations politiques et au niveau de notre coalition. Moi, je n’ai pas pu accéder à la salle. Je n’étais pas le seul. Il y a plein de présidents de partis politiques qui ne l’ont pas eu parce que la salle a été envahie par beaucoup d’autres entités qui n’avaient absolument rien à voir avec la transition. Parce que nous disons qu’en fin de compte, la transition, quand elle finit, ce sont les formations politiques qui vont présenter des candidats parce que partout, c’est un processus politique. Si on accepte que cette transition est un phénomène politique, en fin de compte, c’est eux qui vont présenter soit des candidats ou qui vont aller voter pour des candidats.Mais si on les met à l’écart, ça veut dire qu’on est en train de chercher autre chose. Et cette autre chose, c’est cette majorité. Donc, au niveau même de la confection de la charte, il y a eu ce dérapage.

www.couleurguinee.com:  Des partis politiques sont suspendus et d’autres sont mis sous observation. Et pourtant, les  autorités de la transition justifient cette décision par le non respect des critères de fonctionnement. Trouvez-vous une pertinence à cette décision ? 

Dr Édouard Zoutomou Kpogomou:

On a trouvé que cet acte du ministère de l’administration du territoire n’avait pas sa raison d’être. Ça prouve qu’ils sont très inefficaces parce qu’à ce niveau-là, ils devaient connaître la nomenclature de toutes les formations politiques qui existent dans ce pays. Ils devaient avoir une donnée de base, leur donnant la nomenclature, la filiation, toutes les informations qui mettent en exergue effectivement l’existence d’une formation politique. Ça devait être du tac au tac. Mais quand on commence à venir dire non, allez nous apporter tel, nous allons vous donner, nous allons faire une sorte d’évaluation ou alors nous allons chercher à savoir si vous êtes vraiment en règle ou pas, ça, ça dénote effectivement qu’eux-mêmes, ils ne savent pas ce qu’ils font. Ayons le courage de dire ça.Parce que si on crée un parti politique et vous qui donnez l’agrément, vous savez à qui vous avez donné, quand vous avez donné, la question ne se pose pas. Pourquoi il y a eu cette situation ? Parce qu’au moment où le CNRD cherchait la majorité, au moment où on mettait en place le CNT, il y avait 7 coalitions de partis politiques. Finalement, après avoir mis le CNT, parce qu’ils ont eu leur majorité, nous avons eu une sorte de croissance exponentielle, je peux même dire. Parce que nous sommes allés de 5 à 37 coalitions et en l’espace d’un mois. Ça, ça voulait simplement nous dire qu’on voulait créer cette majorité en donnant des agréments à beaucoup de formations politiques pour que, quand on finit de mettre en place le CNT, au cas où on doit discuter de passer. Dans ça, ils avaient déjà catégorisé les partis politiques. Il y en a qui ne voulaient pas entendre parler d’une transition qui va perdurer ou durer dans le temps, rester à l’infini, une sorte de transition ouverte. D’autres formations politiques étaient complètement d’accord avec tout ce que le CNRD allait faire. Il y en a qui, quand on nous a demandé de soumettre au CNRD des durées optimales, il y en a qui ont dit « ad vitam aeternam », c’est-à-dire que le CNRD peut rester au pouvoir autant qu’il veut.

Nous avons présenté des projets qui allaient de 15 à 18 mois, alors que la CEDEAO elle-même, elle était venue dès le départ parler d’un projet de 6 mois. Nous, nous nous sommes dits que objectivement, à cause des problèmes qu’il y avait à régler, on ne peut pas le faire en moins de 6 mois. Nous avons dit qu’il faut le faire en 18 mois, même en 15 mois. Notre plateforme l’a dit. Mais finalement, le CNRD avait trouvé moyen même de faire un projet qui faisait 39 mois au départ, que le CNT a ramené à 36 mois. Finalement, il y a eu des discussions et la CEDEAO s’est impliquée justement dans les démarches. Et ils ont obtenu les 24 mois parce qu’ils ont voulu équilibrer. Ils ont fait le même travail au Mali, au Burkina Faso et au Niger pendant 24 mois. Donc ils ont voulu qu’en Guinée, ce soit la même chose. Ils ont dit 24 mois. Nous, nous avons dit que le problème, ce n’est pas les 24 mois. Le problème, c’est effectivement le problème des suivis.

Si la CEDEAO dit 24 mois, nous autres, puisqu’on est déjà catalogués, dès que vous commencez à critiquer, on dit oui, vous voulez brûler le pays, vous êtes toujours en train de parler de manifestations, comme si les manifestations n’étaient pas un droit universel. Les manifestations sont consacrées à la déclaration universelle des droits de l’homme. Et le faire, quand vous le faites, vous avez le devoir d’informer justement les autorités.

Mais ici encore, pour pervertir, on pense que ce sont les autorités des zones que vous traversez qui doivent vous donner l’autorisation, alors que vous avez seulement le droit de les informer. Mais ici, on n’a pas compris comme ça. C’est pourquoi vous pouvez trouver un maire qui dit non, non, non, moi, je n’approuve pas pour telle ou telle ou autre raison, alors qu’effectivement, toute la disposition a été prise pour qu’ils soient informés.On ne devrait même pas empêcher les gens de manifester. La manifestation se fait sous plusieurs formes. Et nous avons dit, puisque la CEDEAO et le CNRD se sont entendus sur ces 24 mois, nous allons attendre à la fin des 24 mois.

Nous allons faire la déclaration pour dire que nous nous donnons justement la voix pour d’abord nous désengager complètement avec tout ce qui est CNRD parce qu’on cessera de le reconnaître. Ensuite, nous allons justement à travers le droit, le droit de manifester qui nous est offert par la Déclaration universelle des droits de l’homme, aller manifester dans les places publiques pour obliger les CNRD à respecter cet engagement. Mais dès qu’on a dit ça, finalement, on dit que nous voulons faire ceci, nous voulons faire cela, alors que sur place, on est maintenant en train de manœuvrer pour ne pas laisser donner l’occasion aux partis politiques de pouvoir se préparer.C’est dans ce cadre-là que vous voyez des efforts comme on reflète effectivement. Au lieu qu’on parle de programme d’élection pour la fin de la transition, on commence maintenant à parler de Simandou. On commence à parler de, comment on appelle ça, de projet de constitution, on parle de développement et beaucoup d’autres questions qui n’ont rien à voir avec l’esprit ou alors avec les obligations qui sont en fait reconnues pour une transition comme celle que nous avons en Guinée.

De plus en plus de partisans du Général Doumbouya souhaitent sa candidature. Que pensez-vous de cela ? 

Dr Édouard Zoutomou Kpogomou,

Encore une fois, c’est l’un des problèmes, même si la candidature du Général Mamadi Doumbouya n’a pas été officiellement annoncée par lui-même, nous disons qu’il ya des signes qui ne trompent pas. Nous allons commencer par dire que ce serait une violation flagrante de la charte de la transition. J’avais parlé de l’article 65, de l’article 55  et de l’article 46. C’est une violation de l’article 46. Cette charte sur laquelle le Général lui-même a juré, juré de respecter et de faire respecter, et cette charte qui effectivement présente cette intangibilité, lui-même l’a dit à tous les coups que ni lui ni aucun membre de son gouvernement ne serait candidat. Alors, si des gens font une campagne pour lui mettre la pression afin qu’il se présente, lui devrait être le premier à dire non, j’ai juré sur un document et je suis un soldat, je tiens ma parole de l’arrêter. Nous ne disons pas que Mamadi Doumbouya n’est pas guinéen, qu’il ne peut pas être candidat, mais pas dans la foulée. Nous disons qu’il doit respecter ce qu’il a dit. La transition, ce n’est pas pour qu’il vienne faire des travaux de développement partout la transition, c’est créer les conditions pour un retour à l’ordre constitutionnel. Les autres efforts qui sont en train d’être additionnés, ça rentre dans le cadre de la continuité de l’État. Parce que l’État a des obligations.

Ce n’est pas parce qu’il y a une transition que les gens ne tomberont pas malades. Ce n’est pas parce qu’il y a une transition que les gens ne vont pas voyager, ou que les gens ne doivent pas manger, ou que les gens ne doivent pas se faire soigner. Alors nous, nous disons que, dans une certaine mesure, c’est lui qui devrait justement mettre fin à ce genre de choses.

La candidature de Mamadi Doumbouya, si  elle arrivait, nous, nous considérons que c’est un parjure.  Parce que quand vous jugez, légalement parlant, vous avez déjà pris des engagements légaux. Ce sont des textes qui vous contraignent. Si vous ne pouvez pas respecter ces textes, légalement parlant, vous avez commis un parjure. C’est comme ça que nous nous voyons. Le problème n’est pas lié justement à la personne de Mamadi Doumbouya. C’est une question de système. Quand on vous dit qu’il y a une transition, et le document qui a certifié, ´qui a effectivement été à la base de la consolidation ou du ralliement de tout le monde autour de cette transition-là, c’est bien la Charte. Alors, on ne peut pas violer la Charte et ne pas s’attendre à ce qu’on ne soit pas dénoncés. C’est dans cette logique que nous nous trouvons au niveau des formations politiques, surtout au niveau de l’ ANAD

www.couleur.com: on dirait qu’il n y a pas d’évolution dans le paysage sociopolitique du pays. Ce sont les mêmes discours qu’on entend régulièrement. Qu’est-ce qui explique cela ? 

Dr Édouard Zoutomou Kpogomou,

Le problème en Guinée, d’abord, c’est une question d’hommes. Une question de respect des textes. Une question que les hommes qui sont élus, soient ou alors qui sont désignés, puissent respecter les textes qu’on met en place. C’est pour ça qu’on avait dit dès le départ qu’on n’avait pas un problème de constitution en Guinée. On a un problème d’hommes ne respectant pas les textes qui sont soumis et c’est ce qui les amène à pouvoir les changer. Et changer justement pour maintenir le statu quo, c’est-à-dire continuer à faire de la même manière, de la même manière à tout moment.

Si aujourd’hui vous avez des hommes qui sont venus pour la première fois, on a parlé du troisième mandat du président, comment on l’appelle, sortant, du président Alpha Condé, nous avons pensé que le troisième mandat n’aurait jamais dû même être disputé. Parce que sur la base de la constitution du 7 mai 2010, cette constitution est celle sur laquelle les élections, les deux dernières élections se sont passées, 2015 et 2020. Mais on a trouvé en 2020 de changer ce texte pour simplement des raisons, pour le tailler sur mesure, pour permettre effectivement à Alpha Condé de briguer un troisième mandat. Ça a été le départ de tout ce dans lequel nous vivons. Parce que s’il avait respecté les deux mandats et s’il était parti, on n’aurait jamais même parlé de coup d’État. Parce que ce serait un autre régime, il y aurait un changement paisible et nous serions peut-être en train de préparer même une autre, disons, une autre élection.Parce que nous sommes déjà bientôt en 2025, puisque le terme c’est cinq ans. En 2020 et 2025, on aura fait des élections. Mais ce n’est pas comme ça.

Si les choses ne changent pas, c’est la mentalité qui n’est pas favorable justement à l’esprit de développement qui aurait dû sous-tendre justement toutes les activités de nos élus. Mais aujourd’hui, c’est parce que chacun veut. Il n’y a pas l’esprit, franchement, la notion d’État est très éphémère. Chacun est là pour lui. Tous ceux qui sont là, dès qu’on met quelqu’un quelque part, au lieu de travailler dans le sens de l’État, on va travailler d’abord pour lui. En s’entourant des gens par affinité, pas par compétence.

Et tant que nous sommes dans cet état d’esprit, beaucoup de choses resteront sur place. Si bien que quand on nomme quelqu’un quelque part, tout de suite il se dit que moi c’est mon opportunité, moi aussi je vais faire ce que je dois faire. Quelqu’un d’autre va venir par la suite, il fera exactement la même chose.

Parce qu’il n’y a pas de rigueur justement dans nos choix, il n’y a pas de rigueur dans les programmes que nous soumettons justement à la population. Il n’y a pas de rigueur en termes de suivi. Pas que les programmes ne sont pas bons, les textes peuvent être bons, encore c’est une question d’hommes. Si les hommes viennent changer complètement le sens même du développement, il n’y a pas de raison que ceux qui viennent n’aillent pas dans cette direction pour se faire autant d’argent que possible dans un petit laps de temps

S’inspirer du passé pour construire le futur ensemble, la Guinée est le thème retenu par le régime militaire pour célébrer les 66 ans d’indépendance. Et en partant de la réalité actuelle de la Guinée, que pensez-vous de ce slogan?

Dr Édouard Zoutomou Kpogomou,

C’est un slogan populiste. On se réfère effectivement au passé. Nous ne sommes pas en train de dire que tous les maux de ce pays doivent tomber sur le CNRD, non. Ils l’ont hérité, c’est un passif. Ils l’ont hérité parce que c’est comme quand vous épousez quelqu’un qui a déjà été dans des relations. Donc vous allez hériter, si c’est des enfants qui sont là, vous serez le père. Donc tous les problèmes de la Guinée pour le moment, c’est eux qui doivent trouver des pistes de solution. Mais cela ne veut pas dire que c’est à eux que cela incombe. Ce n’est pas leur responsabilité. Ils peuvent en discuter, mais ce n’est pas leur responsabilité de les résoudre. Puisqu’en venant aux affaires, il y a eu toute une litanie de questions qui avaient surgi là, sur la base desquelles on disait que les libertés individuelles n’étaient pas respectées, les droits de l’homme n’étaient pas, toute la litanie de raisons qu’on a données pour justifier le coup d’état. On dit que ce sont des raisons qui ont été mises en avant et ce sont ces raisons-là qui ont amené le CNRD à faire le coup d’État. Donc leur obligation première, leur obligation fondamentale, c’était une sorte d’anomalie qui devait être corrigée pour que le pays retourne en ordre constitutionnel. C’est ça leur objectif. Mais maintenant, parce qu’ils veulent rester, on a commencé à parler de projets.

Or, nous avons encore ceux d’entre nous qui ont assisté dans d’autres milieux à la consolidation des bases de développement, savent que le développement, on ne peut pas s’improviser. Le développement, il se mûrit, il se planifie. C’est quand on fait qu’on réunit les moyens justement pour le faire. Et ça, c’est pour ça que se passe la mission d’une transition. La mission d’une transition, c’est juste de créer les conditions pour retourner en ordre constitutionnel. Un gouvernement élu prendra en compte justement et s’attribue les plans de développement nécessaires.

C’est dans ce cadre-là que vous avez peut-être entendu parler de plans triennal  ici, plans quinquennaux là, plans  septennal. Ce sont des plans de développement que l’on concocte justement avec des organismes qui sont attitrés et qui ont justement la bénédiction et du gouvernement et de la population et de l’ensemble de tous ceux qui sont intéressés par ce processus. Mais on ne peut pas venir de façon bilatérale dire qu’on va développer. Vous-même, vous savez, on ne peut pas parler de développement. Si on est honnête avec nous-mêmes, il n’y a pas de développement dans la rue que vous voyez ici, ça fait trois ans, c’était comme ça. Il y a seulement deux ou trois semaines qu’on a commencé à faire ce travail. Donc, on ne pourrait pas sortir d’une autre mode. Parce qu’on a décapé, on a voulu faire quelque chose, mais en fait, les ressources n’étaient pas là. Parce qu’on a déplacé justement l’utilisation de ces ressources pour d’autres choses. Encore une fois, quand vous envoyez des gens à l’intérieur, ils ne vont pas aller les bras balancés. Bien sûr, il faut décaisser des sommes faramineuses pour couvrir leurs missions. C’est ça qui est en train d’être fait. Les missions avec le CNT, si je peux revenir sur ça. Quand le CNT devait aller à la mise en place, ils disaient qu’ils allaient effectivement consulter la population pour savoir ce qui était important et qui devait être mis dans le projet de constitution.

C’est ce qui nous a été dit. Et pour ça, bien sûr, il faut supporter. Donc, c’est là où il y a eu beaucoup de décaissement. Mais, quand la mission était terminée, nous, nous avions pensé qu’ils avaient répertorié tous ces besoins. Il y a eu une consolidation. Et c’est sur cette base-là, effectivement, qu’on a créé l’avant-projet, qu’on a fait l’avant-projet de constitution.

Au lieu de faire un avant-projet de constitution, qui n’est pas donc la constitution en elle-même, selon ma compréhension, il faudra donc repartir avec le projet de constitution sur lequel, justement, le projet de constitution, il y aura un référendum. C’est-à-dire, un problème, au lieu de le résoudre en une ou deux étapes, on est en train de le faire en deux, trois étapes. Tout ça, c’est une question d’étendre, faire une extension de temps pour permettre effectivement au CNRD de rester aussi longtemps au pouvoir. Nous pensons qu’il y a quand même un peu..On devrait un peu penser, effectivement, à la souffrance dans ce pays, parce que souffrance, il y en a. Comme vous le savez, j’ai dit, il n’y a pas de route à l’intérieur.

Alors, quand vous dites aux gens que vous avez 2200 kilomètres, alors que, d’une localité à une autre, de kissidougou et Kankan, il n’y avait pas de route, à partir de Tokunou, il n’y en avait pas. Quand vous prenez Mamou-Faranah, il n’y avait pas de route. Je crois que ça s’est coupé.

Prenez Mamou-Labé, il y a des points où on dirait pas que c’est une route nationale. Donc, il ne faut pas qu’on (..) Moi, je pense qu’on ne peut pas construire un pays, justement, en faisant des déclarations. Je ne dis pas des déclarations mensongères, mais des déclarations qui tendent à jeter des fleurs sur ce qui est en train d’être fait, même si ça ne représente pas, même si ce sont des contre-vérités .

Dernièrement, la Guinée s’est dotée d’équipement militaire de haute gamme. Il y’a-t-il urgence d’investir dans l’armement ?

Dr Édouard Zoutoumou Kpogomou:

Nous, nous avons dit, justement que cela rentre encore dans le cadre des mesures de dissuation qui sont en train d’être prises, ou qui ont été prises pour, d’abord, créer cet environnement où les gens sont intimidés, parce que ce qu’on est en train de dire, on est en train de montrer les muscles.

C’est pour informer les gens que s’il y a quelque chose, nous, nous sommes prêts à intervenir. La Guinée n’est pas en guerre. La Guinée n’est pas en guerre. Pour nous, il n’y a aucune justification pour pouvoir prendre les maigres ressources qui sont là, qui auraient dû servir pour autre priorité, et de les inclure justement dans l’achat d’armes. C’est comme si on est en train de normaliser l’utilisation d’armes létales, justement, les mouvements de maintien de force. Parce que c’est des instruments qu’on est en train de donner à la police et à la gendarmerie.

Or, ce sont ces unités-là, effectivement, qui font les contrôles de force. Le problème, c’est qu’au niveau des coalitions politiques, il y a déjà le fait que ces coalitions sont arrêtées ou alors sont pré-positionnées sur la fin de la transition, le 31 décembre 2024. Et cette date, ce n’est pas les coalitions qui l’ont donnée.Cette date a été acceptée comme un accord entre la CEDEAO et le CNRD. Ils n’ont fait que rappeler ça. Alors, nous avons sorti justement un communiqué, une déclaration, qui disait que nous tenons à cette date.

Et que si cette date n’était pas là, à la fin de l’année, le 31 décembre, nous allons prendre toutes les dispositions, y compris les manifestations dans les places publiques, pour réclamer justement ce droit au CNRD. C’est en face justement de ces déclarations qu’on est en train de chercher des armes pour dire aux gens, si vous sortez, nous allons faire ceci, cela.

Moi, je crois que c’est des mesures d’intimidation. Mais on devait savoir que vous pouvez intimider un homme, mais vous ne pouvez pas intimider tout un peuple. Il suffit que la précarité soit généralisée, vous n’avez pas besoin de dire à quelqu’un de faire quelque chose.

Parce que si dans une famille, les gens n’ont pas à manger, et ça se multiplie par autant de familles qu’il y a en Guinée, c’est un problème général. Et tout le monde va prendre la mesure de ce problème. C’est ce que nous sommes en train de dire. On ne peut pas intimider. On peut construire le pouvoir avec la force, mais on ne peut pas gérer le pouvoir avec la force.

Quel est votre  dernier message ?

Je lance personnellement un appel au Général Mamadi Doumbouya. La Guinée à l’heure actuelle peut paraître calme, mais le pays n’est pas calme. Je ne sais pas ce qui se fait, mais moi je voulais lui dire simplement qu’ on ne peut pas jouer avec les gens en prenant des risques qui ne sont pas nécessaires.

Nous l’invitons, nous sommes en train de l’inviter à respecter son engagement, respecter son engagement et déduire complètement ceux qui sont sortis, qui sont en train de le pousser dans une direction qui peut mettre, qui peut créer des situations d’instabilité dans le pays. Ce n’est pas eux qu’on verra quand il y a quelque chose. C’est lui qui est à la tête de la gent. Si c’est bon, on dirait que c’est lui. Si c’est mauvais, on dirait que c’est lui. Donc c’est le seul qui peut recadrer tout ce qui est autour.

Et vous savez, il y a eu une prolifération de mouvements de soutien. On en créait à toutes les heures. Alors qu’eux-mêmes, ils avaient dit qu’ils n’auraient pas eu de mouvements de soutien ou de mouvements d’opposition.

C’est pour cela que tout le monde est resté tranquille, pour leur donner la chance effectivement de pouvoir redire le problème qu’il y a là. Mais si ça ne marche pas, le général va endosser la responsabilité. Nous pensons qu’il est suffisamment jeune, qu’il est suffisamment jeune pour qu’on puisse l’induire en meilleure.

On veut que l’histoire retienne justement sa contribution à cette fonction-là. Donc tous les choix sont à faire avec lui. Nous pensons qu’il va agir en véritable militaire, même si à l’heure actuelle, il n’a encore pas dit, il n’a encore dit aucun mot sur la possibilité de sa candidature.

Mais nous, nous disons qu’il y a des choses qui ne tombent pas. Allez partout, c’est ça, c’est fini tout ça. Partout où vous allez, les mouvements de soutien qui viennent, c’est des matchs de football qu’on organise ici, des mouvements qu’on crée par là, tout en son nom. C’est à lui de dire à ces gens, écoutez, moi je suis venu en mission, quand ma mission fini je vais m’en aller. Nous nous disons il finit sa mission pas dans la foulée, lui il peut aller au moment où sa courbe de popularité est en train de monter. C’est en ce moment qu’il doit arrêter et repartir. Et lorsqu’il reviendra les gens se souviendront justement de ce qu’il a laissé, et s’il peut s’engager en politique, il va le faire. Nous ne disons pas que c’est seulement en politique. Et aujourd’hui, partout les gens parlent de nouvelles constitution, de jeunesse…Ce que les gens oublient, la jeunesse n’est pas l’apanage de tout. La jeunesse n’a pas la solution à tous les problème.

Propos recueillis par Fodé Touré pour couleur guinee

 

AUTRES ACTUALITÉS

- Publicité -spot_img

PUBLIREPORTAGE