En partenariat avec le Ministère de la Justice et des Droits de l’homme, le Fonds Global pour les Survivants qui s’occupe des crimes de masses, l’Organisation Guinéenne de Défense des Droits de l’Homme (OGDH) a organisé du 04 au 05 décembre 2024, un atelier sur la loi et le décret relatif au droit à la réparation pour les victimes de violations graves des droits de l’Homme en Guinée. .
Cette rencontre a mobilisé de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme. Et durant ces deux jours, elles ont exposé les préoccupations liées aux droits de l’homme.
L’objectif est de faciliter l’élaboration d’un texte de loi qui va garantir la réparation des préjudices subis par les victimes des violation des droits de l’homme. Et mettre fin à ces exactions.
Édouard Dongosaliz, expert du Fond Mondial des Survivants a dit tout l’intérêt d’organiser cet atelier pour la première fois en Guinée.
« La Guinée a vécu des événements très durs, très difficiles dans son histoire qui ont laissé une expérience de graves violation des droits humains.Les personnes qui ont été touchées par cette violation ont un droit internationalement reconnu à la réparation. C’est un droit aussi reconnu dans la loi guinéenne.Donc la question est comment faciliter l’accès à la réparation à cette personne. Une voie possible c’est évidemment la voie judiciaire.Mais, la voie judiciaire est toujours difficile, est toujours pénible pour les victimes. Et comme on a vu dans les cas, par exemple, du processus de 2009, les processus légaux sont très longs, les processus légaux sont imprévisibles. C’est vraiment difficile pour les victimes de faire partie de ce processus légal. Donc, c’est important d’avoir et d’explorer des alternatives non judiciaires de réparation comme par exemple des mécanismes administratifs de réparation » a dit Edouard
Il fait savoir que l’acte de réparation cherche à demander à la société victimisée une nouvelle opportunité de récréation de confiance. Il a aussi souligné qu’un pays doit avoir de vrais leaders qui sont capables de faire ce que Nelson Mandela a fait en Afrique du Sud, c’est-à-dire d’accepter la responsabilité historique de récréer la confiance entre un État qui a été abusif dans le passé et une citoyenneté qui mérite un traitement différent.
Il estime que la réparation fonctionne comme une opportunité de récréer des liens de confiance entre l’État et les citoyens.
« L’ avant-projet contemple la possibilité de réparer les victimes de toutes les périodes différentes de l’histoire guinéenne. Alors, évidemment, après le passage du temps, le chiffre total des victimes est baissé.
Il y a des victimes qui ne sont pas avec nous parce que le temps s’est passé. Mais, de toute manière, c’est important que l’État guinéen reconnaisse que la relation entre l’État et la citoyenneté a été souvent une relation marquée par la violence, marquée par la répression. Et donc, les événements de 2009, le massacre du septembre, c’est un événement historique, c’est un événement paradigmatique qui a obtenu l’attention du monde entier, c’est vrai. Mais cet événement est un événement paradigmatique, ce n’est pas un événement unique. La Guinée a vécu des autres événements sinon similaires en échelle, similaires dans la forme de relation de l’État avec la population. L’ usage de l’arbitraire, la répression violente de la liberté d’expression, de la liberté d’association, de la liberté de réunion, de pétition, le traitement injuste des populations », a t-il déclaré
Antoine Stomboli, conseiller en réparation pour le fond mondial des survivants sexuels liés au conflit est également un des formateurs.
Il a rappelé que cet atelier a pour but et pour finalité de concrétiser tout un processus de consultation qui a été initié depuis 2023 avec les organisations de défenses des droits de l’homme. Ce sont : l’OGDH, l’Organisation Guinéenne de Defense des Droits de l’Homme , l’AVIPA, l’Association des Victimes du Camp Boiro, nos parents et amis du 28 septembre, et nos partenaires du ministère de la justice pour la création d’un cadre légal sur la réparation, sur le droit à la réparation, non seulement des survivantes de violences sexuelles, mais plus généralement de toutes les victimes de violations graves des droits humains en Guinée depuis 1958.
Puis il revient sur l’importance des thématiques qui ont été abordées durant ces journées de réflexion.
« La première des thématiques qui a été abordée, c’est en fait la question du processus. On considère que le processus est aussi important que la finalité. Donc nous, ce qu’on défend, c’est la participation directe des victimes, des survivantes, dans tout le processus, y compris dans la création d’un cadre légal, et puis par la suite, dans la mise en œuvre même des réparations. Donc, on a développé pendant l’atelier toute une série d’exemples et d’expériences comparées qui ont commencé avec un projet qui a été mis en œuvre en Guinée pour les survivantes de violences sexuelles du stade du 28 septembre.
Ce projet qui s’est terminé en 2023 et qui nous a permis de définir quelques pratiques au niveau de ces survivantes-là, qui sont parmi les victimes les plus vulnérables, les plus stigmatisées, et qui nous ont permis d’identifier certaines pratiques qui pourraient être mises cette fois-ci en œuvre dans un cadre plus général pour toute la République de Guinée, pour toutes les victimes de violations graves des droits humains, donc les violations indérogeables, les violations dont on n’a pas le droit de toucher, même dans des états d’urgence, et qui sont en lien avec les crises et les conflits sociaux et politiques que la Guinée a connus. Donc ça, c’était notre première thématique qui a été développée et le reste de l’atelier a été consacré à découvrir ensemble, avec les associations de victimes, avec les acteurs étatiques clés, certains ministères, donc évidemment le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité, le ministère de l’Action sociale, le ministère de l’Éducation aussi, et j’en oublie certainement, de découvrir un petit peu quels sont les résultats de cette série de consultations qui visent à mettre en place une agence nationale de réparation administrative des victimes, donc administrative qui veut bien dire non judiciaire. L’idée, c’est, face à l’important nombre de victimes depuis 1958, de diminuer un petit peu le standard judiciaire, le standard de preuve judiciaire, c’est-à-dire qu’on va changer de paradigme. Dans un procès judiciaire ,un des objectifs, de ce procès, c’est de rendre justice évidemment, mais c’est aussi condamner un auteur. Donc face à ça, le danger, ça serait de condamner un innocent, n’est-ce pas ? Puisque la réparation ne concerne pas l’auteur, mais concerne uniquement la victime, il s’agit de mettre en place cette fois-ci des procédures d’identification des victimes qui correspondent à un standard, qui permettent de ne pas traumatiser la personne,et de l’aider en fait, de l’aider à prouver », a expliqué Antoine stomboli
Souleymane Bah, président de l’OGDH, présent à cette rencontre, a également fait savoir qu’il y’a trop de violations des droits en Guinée. Donc pour lui, la mise en place de cette loi sera un atout indispensable pour endiguer ce phénomène.
« Nous pensons que, parce que, déjà, il faut le dire, nous travaillons avec l’État, à travers le ministère de la Justice et des Droits de l’Homme.Donc, c’est avec eux que nous sommes en train de travailler.
Donc, nous pensons que, quelque part, il y a une avancée au niveau de la volonté politique pour pouvoir soulager les victimes et, à travers ce soulagement, indiquer ces violations qui sont perpétuelles, qui sont récurrentes à travers le pays. Donc, je suis très soulagé et nous pensons, nous pensons et nous invitons le gouvernement à continuer à oeuvrer dans ce sens, c’est-à-dire dans le sens d’indiquer l’impunité dans l’autre pays », a indiqué Souleymane Bah
Asmaou Diallo, présidente de l’Association des Victimes et Amis du 28 septembre (AVIPA), quant à elle a souligné l’importance de cet atelier. Elle a fait remarquer que si toutes fois on vote cette loi, ce serait un ouf de soulagement pour toutes les victimes en Guinée.
« Cet atelier est une étape clé pour unir nos efforts. Il est quand même important que les associations des victimes soient au centre des débats. Et vous savez qu’on n’a pas encore cette loi dans notre pays. Et voilà pourquoi il y a des difficultés au niveau des victimes. Si toute fois, on arrive a adopter cette loi, il faut savoir que les victimes vont se sentir dans les meilleures conditions. Donc, nous avons travaillé sur ce document tout en espérant que le gouvernement va faire face immédiatement pour que les victimes se sentent dans les meilleures conditions de santé », a fait savoir Asmaou Diallo
Les recommandations issues de cet atelier devront permettre l’élaboration de cette loi qui encadre les droits des victimes tout en créant une agence de réparation des victimes.
Par Fodé Touré pour couleurguinée.com