Nous vous proposons lecture de cette déclaration du Président de l’ Association Guinéenne pour la Transparence AGT. C’est en prélude à la journée internationale de la lutte contre la corruption
Déclaration de l’Association Guinéenne pour la Transparence (AGT) pour la célébration du 09 décembre 2024
La Guinée dans l’impasse : Un combat sans stratégie
Le 9 décembre de chaque année, l’humanité célèbre la journée internationale de lutte contre la corruption. Pour l’année 2024, le thème retenu par les Nations Unies est : « Unir les jeunes contre la corruption : Façonner l’intégrité de demain ». En général, notre pays est confronté à des nombreux défis, tragédies, inégalités, injustices, dont beaucoup sont liés à la corruption. Une prise en compte de la couche juvénile dans la sensibilisation sur les méfaits de ce fléau permettrait d’atteindre un large éventail des communautés et produire des impacts positifs dans les efforts de lutte.
Si l’arrivée au pouvoir du Comité National pour le Rassemblement et le Développement (CNRD) le 5 septembre 2021 a suscité un grand engouement auprès de l’opinion publique, il est cependant aisé de constater que la conduite de la transition ne fait pas que des heureux. Le système de gouvernance économique, politique et sociale peine à produire des effets positifs sur la vie des citoyens.
Sur le plan économique, la Guinée reste au bas du classement de l’Indice de Développement Humain (IDH) du PNUD, occupant le 181ème rang sur 191 pays en 2022. Classée 141ème sur 180 pays évalués à travers le monde en 2023 dans l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) de Transparency International (TI), la Guinée est l’un des pays d’Afrique les plus corrompus. Malgré ses abondantes ressources naturelles, la Guinée est confrontée à une pauvreté, une insécurité alimentaire et une malnutrition élevée (PAM).
Sur le plan juridique, on note l’absence de la stratégie nationale de lutte contre la corruption et celle portant sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ensuite, l’indépendance et l’autonomie des structures de l’Etat qui doivent œuvrer pour la bonne gouvernance laissent à désirer.
On note également le retour avec force et très inquiétant des vieux démons et des vieilles pratiques du régime défunt pour des raisons non élucidées. C’est pourquoi, l’opinion publique se questionne sur ce retour : reviennent-ils pour aider les ténors de la transition à sortir par la grande porte ? Veulent-ils profiter de la situation pour s’enrichir ? Est-ce leur stratégie de s’informer sur la conduite de la transition ?
Les conséquences de cette instrumentalisation sont perceptibles au niveau de toutes les couches sociales, mais beaucoup plus marquées chez les jeunes se manifestant par : le chômage, l’immigration clandestine, la dépravation, l’exploitation sexuelle, l’alcoolisme,…
De nos jours, la survie des jeunes reste toujours liée en grande partie aux manifestations politiques ou à des mouvements de propagande. Ils cherchent à profiter auprès du pouvoir (mouvement de soutien) ou auprès des autres acteurs politiques (des récurrentes manifestations de rue), toutes les deux manières conduisent le plus souvent à des tragédies sans précédents. L’instrumentalisation des jeunes à des fins politiques doit s’arrêter. La formation et l’emploi des jeunes doivent être une priorité du gouvernement et des parties prenantes, car l’avenir de notre pays en dépend.
C’est pour autant dire que ces pratiques se généralisent et se rencontrent dans toutes les phases de la gouvernance dont les plus illustratives sont :
- Le cautionnement par les hautes autorités à des sorties d’argent auprès des finances publiques pour des activités de propagandes ;
- La faiblesse du cadre juridique, la lourdeur administrative et la corruption qui continuent à peser sur le climat des affaires ;
- L’absence des mécanismes et outils adaptés pour lutter efficacement contre la corruption ;
- Le faible engagement de l’Etat dans l’accompagnement technique et financier des structures et organes de promotion de la bonne gouvernance ;
- Des institutions de lutte amorphes et en déphasages avec les mesures efficaces ;
- Des menaces pour les lanceurs d’alerte et des dénonciations sans suite ;
- La prise des décisions inopportunes qui favoriserait des formes de corruption ;
- Des pratiques de la petite corruption à ciel ouvert dans les services publics (police et gendarmerie routières, secteur éducatif et sanitaire, …) ;
- Le retard dans la mise en place des structures d’appui aux organes de lutte ;
- La non-diligence des processus d’évaluation de la conformité et de l’efficacité de l’arsenal juridique.
Eu égard à ces défaillances, il est nécessaire d’entreprendre des actions allant dans le sens de renforcer le cadre juridique et réglementaire, redynamiser le cadre institutionnel et rendre opérationnel les organes d’appui. Plus spécifiquement, il doit s’agir de :
- Accélérer les réformes juridiques et réglementaires et la mise en place des structures d’appui aux organes de lutte ;
- Diligenter les examens des lois nationales et normes internationales en la matière pour adapter les mécanismes et outils de lutte suivant les processus d’évaluation en cours ;
- Redynamiser les cadres institutionnels de lutte en les dotant des ressources humaines compétentes et intègres ;
- Mettre en place et rendre opérationnel des politiques d’enseignement secondaire et supérieur sur des thématiques spécifiques dédiées à la lutte contre la corruption et les pratiques assimilées pour préparer et impliquer la couche juvénile dans le combat contre ce fléau ;
- Respecter les principes de protection des lanceurs d’alertes et impliquer les acteurs privés et de la société civile dans les processus de la prévention et de la détection de la corruption ;
- Assurer un suivi de la mise en œuvre des dispositions réglementaires auprès des décideurs dans l’exercice de leur fonction ;
- Garantir une justice équitable et impartiale au service des usagers et promouvoir l’espace civique ;
- Diligenter des audits dans les principaux secteurs stratégiques pourvoyeurs de l’économie nationale et dans l’espace des marchés publics ;
Combattons la corruption, car ne rien faire, c’est laisser faire !
Conakry, le 09 décembre 2024
Le Président de l’AGT
Oumar Kanah DIALLO