» Vous pouvez mettre des chars blindés à chaque mètre justement du territoire, chaque kilomètre carré du territoire, où chaque mètre carré du territoire, ce n’est pas ce qui va justement dissuader les gens, parce que ce n’est pas la solution à la précarité qui existe » s’exclame Dr Edouard Zoutomou dans cette interview
Le 31 décembre 2024, Général Mamadi Doumbouya, s’est exprimé sur l’avenir social, politique et économique de la Guinée. Dr Edouard Zoutomou Kpoghomou, le président du parti Union Démocratique pour le Renouveau et le Progrès décrypte ici cette actualité et d’autres dans cette interview.
Couleurguinee.com : Quel est votre analyse du discours de l’an de Général Mamadi Doumbouya. Avant ce discours, aviez vous caressé l’espoir d’un retour à l’ordre constitutionnel en 2024?
Dr Edouard Zoutomou Kpoghomou :
Le discours du président de la transition, on en parle certainement parce que c’est un sujet d’actualité. Sinon, vous savez qu’au niveau des Forces Vives de Guinée dont nous nous sommes partie intégrante, quand je dis nous, je parle de l’ANAD et de ma formation politique, l’UDRP, nous avons dit qu’au-delà du 31 décembre 2024, nous ne reconnaîtrons pas justement les autorités de la transition. Nous l’avons dit et c’est dans cette direction que nous sommes en train de regarder.
Nous n’avons pas l’effectivité du pouvoir parce que nous n’avons pas d’armes, nous n’avons pas de blindés, nous ne pouvons intimider personne. Ce qui est certain, c’est que le monde entier a pris note du fait qu’il y a quand même certaines choses qu’on peut faire, mais c’est au-delà de la normalité et il va falloir regarder pour d’autres solutions. Nous sommes en Guinée, dans une transition qui perdure, qui a déjà fait plus de trois ans. Je dirai trois ans, trois mois pour être exact.
Alors, les promesses, on en a entendu et quand les promesses ne se font pas sur des bases qui puissent convaincre, il y a toujours à se demander. A l’heure qu’il fait, je dois vous le dire honnêtement, nous n’avons jamais caché la vérité. On dit les choses telles qu’elles sont.
A l’heure actuelle, personne ne fait confiance à ce qui se dit. Même si on fait croire au Général Mamadi Doumbouya que ce qu’il dit est populaire, la réalité c’est qu’il n’y a qu’une poignée de personnes qui suivent le Général et que cette poignée de personnes est en train de l’induire chaque jour en erreur. On ne peut pas continuer à rendre la vie précaire justement dans un pays avec autant de potentialité. C’est ce qui fait mal. Nous disons que le discours c’est du déjà vu, parce que depuis 2021, on est en train de faire des promesses au peuple de Guinée. On fait miroiter justement un certain nombre de choses.Aujourd’hui, ce qu’on miroite, c’est un projet comme Simandou 2040 avec une gestion si opaque qu’on ne peut pas décrire. Si vous voulez parler de 2040, on sait que les réserves sont là, les réserves de minéraux. Tout ça c’est ici, nous connaissons. Je suis des mines, donc je sais de quoi je parle. Mais, quand on doit faire, on doit gérer un projet dans le but de pouvoir effectivement apporter un souffle nouveau, si vous voulez, alléger quand même les difficultés de la population. Le moins qu’on puisse faire, c’est d’exposer, alors de publier justement toutes les données, tous les renseignements qui font trait justement à ces projets qui doivent effectivement supporter les arguments qu’on présente pour un tel projet.
Donc nous avons beaucoup de doutes. En tout cas, ce qui se passe, c’est que nous ne sommes pas tellement, nous ne sommes pas sûrs. Comme je l’ai dit, la confiance, elle est érodée complètement.Elle s’est effritée
couleurguinee.com: Donc, vous voulez sous-entendre par là que le discours tenu le 31 décembre 2024 ne vous rassure pas ?
– C’est un discours politicien. D’abord, l’erreur, c’est que le président de la transition ne s’est pas présenté comme un président d’une transition. Mais, il a voulu prendre le manteau d’un président élu. Alors qu’il sait, on l’a toujours dit, il n’a pas de légitimité, parce que la légitimité ne s’acquiert pas au bout du fusil. La légitimité, c’est le peuple qui la donne à travers un processus électoral.
Donc, dans les urnes. Le président de la transition a pris le pouvoir par les armes. On est en transition. Il ne peut pas venir parler de projets grandioses alors que les gens cherchent effectivement à colmater les choses pour que le pays retourne à ordre constitutionnel, qui va fournir justement toutes les bases nécessaires pour un développement à long terme, un développement pour des projets durables(..)
couleurguinee.com: Dans le discours, le président de la transition a évoqué tout de même quelques aspects dits positifs, notamment la reprise des activités politiques. C’est un bonus pour la classe politique, non ?
On ne peut pas dire qu’on est en train de lever les restrictions et que les partis politiques peuvent vaquer à leurs affaires. Les partis politiques sont toujours en train de vaquer à leurs affaires, parce qu’on envoie des missions à l’intérieur. On peut ne pas avoir justement fait des manifestations, ce qui est d’ailleurs une très bonne chose, parce que si des manifestations avaient été faites pendant les 3 années passées là, c’est ce qu’on allait pointé du doigt justement pour justifier l’échec cuisant de la transition. Mais, heureusement pour nous autres, qui sommes des politiques, malheureusement pour le CNRD et le gouvernement, parce que justement, il n’y a plus d’arguments derrière lesquels on peut s’accrocher justement pour justifier tout ce qui se passe.
En réalité, les partis politiques ont toujours fonctionné. Nous envoyons des missions. On a envoyé des missions. Vous avez remarqué, il y a des partis qui sont allés renouveler toutes leurs structures à l’intérieur. Alors, si les partis là ne fonctionnaient pas, comment pouvez-vous expliquer justement qu’ils aient pris des dispositions pour renouveler leurs structures, leurs instances ? Donc, pour nous, cet argument ne tient pas. Les partis ont toujours existé, les partis ont toujours fonctionné, qu’on le veuille ou pas. Parce que les partis politiques, c’est sur la base de la conviction que les gens adhèrent à ces partis.
couleurguinee.com: Le président de la transition avait alerté la communauté internationale que la date butoir fixée au 31 décembre 2024 ne pourrait être respectée. Et dans son discours, il a quand même affiché une volonté pour dire que dès le premier trimestre de l’année 2025, le processus électoral sera enclenché y compris le processus du référendum.
On n’y croit pas parce que ce n’est pas la première fois qu’on fait cette promesse. Depuis 2021, on a dit qu’on devrait retourner à un ordre constitutionnel. Entre-temps, la CEDEAO et le CNRD se sont retrouvés pour concocter un programme, un chronogramme qui n’a pas pu être respecté, pas du vouloir de la CEDEAO, mais parce que justement les dispositions n’avaient pas été prises pour qu’effectivement tout soit en place, afin que cette transition puisse arriver à bon port. Nous pensons que le Général Mamadi Doumbouya ne pouvait pas faire autrement. En fait, s’il y avait une très bonne foi et une volonté politique, on aurait pu le faire.
Parce qu’en Afrique, quand même, il y a des exemples où les gens ont pu quand même réalisé. Même en Guinée ici, les transitions qui se sont déroulées avaient effectivement un temps record et où même il y a eu apport de part et d’autre. Mais quand on est dans une transition qu’on veut diriger avec une idée déjà arrêtée, qu’on ne vient pas pour effectivement aller à un ordre constitutionnel, mais on vient pour rester au pouvoir, la démarche est complètement différente.
Et c’est ce qui est en train de se faire en Guinée. C’est ce qui s’est fait. Alors personne ne croit en cela, parce que toutes les promesses qui ont été faites encore une fois en ce qui concerne le retour à l’ordre constitutionnel ont été des promesses… c’était simplement des coups d’épée dans l’eau en réalité.Rien de concret et on le sent aujourd’hui.
couleurguinee.com: Dans son discours, l’attitude du Général Mamadi Doumbouya est jugée cette fois-ci expressive. Elle est dit-on du genre à respecter les promesses qu’il a tenues pour le retour à l’ordre constitutionnel?
Mais qu’est-ce qu’il vous dit effectivement qu’il a l’intention de respecter ? Vous l’avez dit très bien, le soldat c’est sa parole. Et quand vous fixez un objectif, vous avez des moyens à votre disposition pour essayer d’évaluer tout ce qui est à votre disposition pour pouvoir y arriver. Donc, de temps en temps, on fait une évaluation pour déterminer ce qui a été fait, ce qui n’a pas été fait, pourquoi ça n’a pas été fait. Depuis ce temps, est-ce que le Général est sorti une fois pour faire une évaluation de cette situation depuis que le chronogramme a été mis en place pour dire que nous sommes à ce niveau, voilà ce qui reste, nous ne pourrons pas le faire. On ne peut pas attendre deux semaines, une semaine de la fin de cette date butoir pour chercher des arguments.
En ce moment, nous considérons cela comme une fuite en avant. C’est la raison pour laquelle, en tout cas, au niveau des Forces Vives, nous ne voulons pas écouter ce qui est en train de se dire. Parce qu’on sait que ce sont de vains mots.Ce sont des mots, justement, qu’on lance. On cherche justement à calmer l’ardeur des gens, simplement pour montrer qu’on est en train de faire quelque chose. Mais en réalité, personne, je dis bien personne, au niveau des Forces Vives, je ne parle pas de tous les partis politiques, que Dieu m’en garde, mais au niveau des Forces Vives et au niveau de l’ANAD dont je fais partie, nous ne prenons pas justement cette promesse comme quelque chose de réalisable, parce que la volonté n’y est pas. Non seulement ça, remarquez une chose, nous pensons que toute la verve, tout l’engagement qui avait caractérisé le Général à la prise du pouvoir en septembre 2021, cette hargne n’existe plus.
En fait, on a trouvé un Général vraiment retranché, pour une raison ou une autre. C’est pourquoi nous pensons que la démarche à faire aurait été de dire, bon, on n’a pas pu faire ce qu’on devait faire, puisque les Forces Vives l’ont demandé, et les forces vives, c’est tous les grands partis politiques que vous connaissez dans ce pays…. donc sur le plan électoral, c’est quand même une écrasante majorité de cette population. Puisque c’est ainsi, nous n’allons pas forcer quelque chose, nous allons nous retirer et ensemble trouver une solution pour qu’il y ait une transition de courte durée, qui va remettre carrément les choses en ordre, afin que le pays puisse retourner à l’ordre constitutionnel. Parce que sans ça, nos efforts, même nos rêves de développement resteront des rêves.
Aucune institution financière sérieuse ne viendra en Guinée avec un régime de transition, engagée des milliards et des milliards, sans issue, sans possibilité de ristourne, aucune compagnie ne le fera. On viendra faire semblant d’investir, mais en réalité c’est des gens qui viennent simplement pour occuper le terrain, et chercher à créer de la plus-value. À un moment donné, justement, ils peuvent revendre à d’autres preneurs. En ce moment, ils n’ont rien perdu, parce qu’on va les rembourser.
couleurguinee.com: Le Général Mamadi Doumbouya a dit que l’objectif reste celui de bâtir un avenir radieux pour les Guinéens et pour le peuple de Guinée, mais aussi mettre en place des institutions solides capables de résister à la tentation des hommes et du temps. Croyez-vous cela ?
Dr Edouard Zoutomou Kpoghomou :
Vous faites peut-être allusion à la nouvelle constitution, mais nous, nous pensons que c’est utopique. On ne peut pas faire une constitution qui résiste aux hommes et au temps. C’est de l’utopie, parce qu’au moment où vous êtes en train de le faire, vous ne savez pas si quelqu’un demain, après-demain, va venir faire un coup d’État et balayer du revers de la main tout ce que vous avez fait. Annuler la constitution, si on le fait, l’homme fort du moment peut le faire. Donc on ne peut pas dire qu’on va faire un document qui va résister au temps et aux hommes. Nous, nous avons dit que c’est vraiment une absurdité.
Ça ne se fait pas, ça ne se fera pas. Pas que nous sommes dans l’esprit de quelque chose, non. Mais quelqu’un aujourd’hui, personne ne peut le dire, il peut y avoir un petit caporal assis quelque part dans un coin de garnison qui, à la suite justement de l’exemple qu’on lui a donné, dire que quelqu’un peut se lever un matin avec une kalachnikov et aller justement changer l’ordre des choses. Si quelqu’un le faisait, qu’est-ce qui va l’empêcher de dire que la constitution est révolue ? Et si on le fait, ça n’a pas résisté aux hommes, ça n’a non plus pas résisté au temps. C’est pourquoi on ne le dit pas. Nous avons dit que la constitution, c’est un document, quand il est fait, et puis, à l’image des grandes constitutions dans ce monde, ce n’est pas chaque fois qu’il y a un changement de régime qu’on change la constitution. La constitution, c’est le document qu’on amende à toutes les occasions, parce qu’il faut l’adapter justement aux rigueurs, ou alors aux nécessités de la vie telles qu’elles progressent. Alors, nous pensons qu’on ne peut même pas aller sur ce territoire parce que pour nous ce n’est pas réalisable.
Aucun texte ne peut dire qu’il va résister au temps, tant que les hommes eux-mêmes qui sont chargés de les appliquer ne peuvent pas les respecter. Même les durées de constitution, ce sont les comportements des hommes justement qui peuvent apporter une certaine dose de stabilité et de pérennité même, à un document constitutionnel. Mais si les hommes eux-mêmes ne sont pas enclins à respecter les textes que eux-mêmes ils ont faits, l’exemple c’est la charte de la transition.
Qui a fait la charte de la transition ? C’est le CNRD. Alors si le CNRD ne peut pas respecter justement les textes de cette charte qu’ils ont concoctée et qu’ils ont écrite, une Constitution, une charte qu’ils ont écrite eux-mêmes, qu’est-ce qui nous prouve justement qu’ils peuvent respecter une constitution qu’on met en place ? C’est pourquoi nous pensons que la meilleure des choses, c’est de reformuler complètement et de refonder justement les priorités, de reformuler les priorités de la transition. On l’avait demandé au premier ministre Bah oury quand il est venu.
On dit la première des choses à faire en tant que politique, qui devait servir de trait d’union entre le CNRD et la classe politique. Donc mettre tout le monde ensemble, nous allons redéfinir, moi je me rappelle très bien, ça c’était les premiers mois justement de sa nomination, redéfinir les priorités de la transition pendant qu’il y a encore du temps. Il était temps de le faire, on pouvait le faire, mais on ne l’a pas fait pour des raisons que tout le monde peut maintenant essayer de deviner, parce que c’est devenu très clair. On ne peut pas, mais on cherche des arguments. Le seul argument qu’ils puissent tenir c’est d’être clair et de dire qu’on n’a pas pu. Maintenant pour ne pas que les choses empirent, nous allons nous écarter, volontairement nous allons partir, mais trouvons la formule pour que le pays puisse gagner. Parce qu’à vouloir montrer que vous êtes fort, que vous pouvez faire ceci, ça ne nous amènera nulle part, ça ne nous amènera nulle part. Vous pouvez mettre des chars blindés à chaque mètre justement du territoire, chaque kilomètre carré du territoire, où chaque mètre carré du territoire, ce n’est pas ce qui va justement dissuader les gens, parce que ce n’est pas la solution à la précarité qui existe. Ce n’est pas la solution.
Et tant que les hommes ont envie de manger, de se vêtir, de se déplacer, rien ne peut les arrêter si ça n’existe pas. Ce sont ces besoins qui conduisent les hommes, rien d’autre.
couleurguinee.com: Donc vous insistez sur le fait que le discours n’est pas en adéquation avec la conviction réelle d’un développement, ou de retour à l’ordre constitutionnel?
Dr Edouard Zoutomou Kpoghomou :
Nous l’avons dit et nous l’assumons. Depuis 2021, nous avons applaudi la junte. Nous avons fait du lobbying pour cette junte, mais très tôt, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait un départ flagrant justement de ses objectifs. Dès le départ, nous nous sommes rendus compte que nous ne nous sommes pas trompés. Aujourd’hui, l’histoire nous donne raison. Parce que les gens voulaient consolider leur emprise sur le pouvoir. C’est ce qui est en train de se faire et c’est ce qui s’est fait. Les intentions peuvent avoir existé.
Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu cette intention. Mais très rapidement, ces intentions-là se sont dissipées et on a assisté justement à un remplacement progressif et même accéléré justement de ses objectifs par des idéaux d’intérêt personnel ou d’intérêt de groupe. C’est ce que nous avons vu et c’est ce qui existe aujourd’hui, la paupérisation qu’il y a dans ce pays (…)
Regardez les événements qui se produisent… au stade de N’Zérékoré par exemple, de gros événements ou de grands événements, si vous voulez, où des gens sont morts par centaine. Et on cherche plutôt à empêcher que les vrais résultats sortent.
Alors que pour soigner une plaie, il faut effectivement la nettoyer complètement avant de mettre n’importe quel produit. Sinon vous mettez des microbes, si c’est une plaie qui est déjà souillée, elle va s’empirer. C’est ça, parce que vous n’êtes pas allé à la source. Sortez les chiffres qu’il y a. Quand tout le monde le connaît, en ce moment on peut présenter des excuses au peuple et demander leur clémence. Mais, vous ne pouvez pas demander clémence au moment où vous êtes en train vous-même de cacher les chiffres. Ça ne s’explique pas. C’est comme s’il y avait un sentiment, il y avait un mépris. Alors pour ne pas justement donner cette impression, nous pensons qu’il faut carrément changer la donne. Voilà.
couleurguinee.com: Revenons un peu au cas particulier de l’opposant guinéen Aliou Bah, le président du parti MODEL. Il a été arrêté et poursuivi pour des faits qualifiés d’offense au chef de l’État, tenus dans le QG de son parti. Et aujourd’hui, le ministère public du tribunal de première instance de Kaloum a requis deux ans de prison. La défense estime que le ministère public n’a pas de charges pour inculper son client. Vous êtes témoin de cette histoire. Que diriez-vous de cette actualité ?
Dr Edouard Zoutomou Kpoghomou:
Vous savez, nous avons toujours parlé de l’instrumentalisation de la justice (…) Aliou Bah est en train d’être poursuivi pour son opinion politique, rien d’autre. Moi, je le dis, à moins qu’on ait quelque chose contre lui.
Sinon, tous ses propos, Aliou Bah n’a jamais insulté. Et je dois vous dire, quand on le voit, on connaît ceux qui sont autour de lui. Il vient d’une famille, effectivement, où on ne permet pas justement ce genre de comportement.
Ils ont toujours du respect pour leurs aînés et leurs parents. Parce que tout le comportement que nous manifestons en public, c’est quelque chose qui est acquis à partir de nos bases familiales. Alors, je n’ai jamais entendu Aliou Bah manqué de respect à une autorité, à plus forte raison, au chef de la transition. Il critique, nous tous, nous critiquons de façon acerbe la gestion du CNRD. Mais dire maintenant que les gens ont proféré des injures, non, je ne pense pas. Simplement, nous, nous pensons que c’est une façon de le faire taire.
Parce qu’il dénonce tellement qu’on ne veut pas qu’il continue à le faire. Alors, je suis franchement en porte-à-faux avec cette façon de voir ce qui est en train d’être fait. On est en train certainement de préparer les esprits pour dire qu’on va le mettre… on va l’incarcérer.
Et puis comme ça, là, il ne parlera plus. Donc, on ne l’entendra pas. Le problème, c’est que beaucoup d’autres gens parlent.
Ceux qui parlent sont même dans le beau monde, au niveau de la population. Si la population parle, les gens n’ont pas besoin de parler. Parce que c’est eux qui ressentent ce qui se passe.
On est en train de faire en sorte que Aliou Bah ne parle pas. Or, la liberté d’expression, ça fait partie des droits, des droits universellement reconnus à tout être humain. Aussi longtemps qu’on respecte l’autorité en place, aussi longtemps qu’on ne fait pas de mouvements de déstabilisation, aussi longtemps qu’on ne fait pas d’autres actes qui sont contraires justement à la loi ou aux lois en vigueur, les gens n’en n’ont pas besoin.Nous, nous critiquons le gouvernement américain, je suis citoyen américain.
Je critique Donald Trump quand je veux, comme je veux. Si je vois effectivement qu’il est en train de dérailler, mais cela ne peut pas attirer toute la foudre de l’État sur moi parce que je suis en train de critiquer Donald Trump.
Aussi longtemps que je ne l’agresse pas, aussi longtemps que je ne l’insulte pas. Parce que c’est une autorité, après tout. C’est une autorité, il faut respecter l’autorité.
Mais dire que je ne peux pas le critiquer en tant que président, c’est une erreur, ça devait être la même chose. La démocratie, la base essentielle de la démocratie, c’est cette contradiction-là. Il faut que les gens aient l’occasion et l’opportunité de dénoncer quand ça ne va pas.
Ici, je trouve que ce sont des critiques objectives que les gens sont en train de mettre en valeur. Il faut les laisser critiquer, proposer des solutions pour sortir justement de ce carcan (…)
couleurguinee.com: Quel est votre message à l’endroit du président de la transition, le Général Mamadi Doumbouya ?
Dr Edouard Zoutomou Kpoghomou
Le Général Mamadi Doumbouya a l’effectivité du pouvoir, et les autres n’en n’ont pas. ll serait quand même amené à poser des actes qui puissent donner de la confiance aux uns et autres. À l’heure actuelle, nous, nous pensons que fléchir les muscles comme on est en train de le faire ne résoudra pas le problème. Aujourd’hui toute la communauté internationale met la pression sur le Général Mamadi Doumbouya. Nous ne sommes pas dans le secret. On le sent (…) Alors, nous nous pensons comme il l’avait promis. Tout homme est perfectible à l’infini (…)
Nous pensons qu’il peut redresser, il lui suffit de faire une certaine prise de conscience et de revenir à des sentiments que lui seul peut arriver à ce sentiment. Personne ne peut l’obliger. Nous pensons qu’il n’est pas tard.
Propos recueillis par Fodé Touré, pour couleurguinee