Guinée : une pionnière de la lutte contre le bégaiement des enfants se démarque !

Des répétitions de mots d’une seule syllabe, la répétition d’une partie du mot, étirer le son d’un mot en parlant, des difficultés à prononcer des phrases, voire, des troubles de langage, ce sont-là les signes du bégaiement. Pour corriger ce handicap, M’mah Conté, la fondatrice de l’ONG «Libération et Élan de Parole », une ONG spécialisée en rééducation des personnes atteintes de bégaiement en Guinée a des ambitions. Celle de donner l’opportunité à toutes ces personnes de vaincre ce trouble psychologique et de développer des compétences.

Cette dame a bien voulu répondre aux questions de couleurguinee.com ! 

Couleurguinee.com: Vous êtes la fondatrice d’une organisation non gouvernementale qui développe un programme de rééducation des enfants en situation de bégaiement. Parler-nous de cette ONG? 


M’mah Conté: ‘Libération et Élan de Parole’´ est une ONG que j’ai créée, il y a un an, pour accompagner les enfants et particulièrement ceux qui sont en âge d’aller à l’école et qui bégaient. Après
une petite enquête, nous avons constaté que beaucoup d’enfants en âge d’aller à l’école ont des problèmes de troubles du langage. Et ces problèmes font que certains enfants, à certains niveaux, s’ils n’ont pas le mental fort, abandonnent les cours. Parce que tout le monde sait ce que c’est le bégaiement.

Le bégaiement est assujetti à la moquerie, au stress, à la frustration, ainsi de suite. C’est pour cela que notre ONG souhaite accompagner les enfants de Guinée et particulièrement ceux qu’on a en premier ressort pour essayer de donner un espoir à ces enfants. Parce que le bégaiement, s’il est pris en charge très tôt, peut se soigner, peut se guérir.

Vous voulez aider ces enfants qui éprouvent des difficultés à parler. Quelles sont les stratégies mises en place pour les recenser ?

Nous avons fait une enquête dans 30 établissements scolaires à Conakry. Et nous avons pu totaliser 290 élèves sur 30 établissements scolaires qui ont des problèmes de troubles de langage. Donc cela veut dire que la tendance peut être à la hausse si nous élargissons nos enquêtes. C’est pour dire que le problème, il est vraiment réel.

Décrivez-nous, l’attitude et le sentiment de ces enfants qui bégaient ?

 

Pendant nos études de recensement, nous sommes allés dans une école que je ne vais pas citer ici. Une rencontre au cours de laquelle nous avons interviewé une petite fille. Et son maître lui a demandé de se présenter. Imaginez, elle a fait 10 minutes en train de réfléchir comment parler. Et finalement, elle a fondu en larmes. Il a fallu que son maître lui dise, va au tableau, te présenter. Et en moins de 2 minutes, elle a pu se présenter. C’est pour dire que le bégaiement, c’est un problème. Et on doit vraiment venir en aide à ces milliers d’enfants qui en souffrent.

comment comptez-vous vous y prendre pour faciliter le processus de rééducation ? 

Effectivement, nous voulons aider tous les enfants dans la mesure du possible. Parce qu’avec la rééducation, le bégaiement peut se soigner. Et ils peuvent améliorer leur manière de parler. Et nous avons mis en place une stratégie, celle de faire appel à des orthophonistes étrangers. Parce qu’en Guinée, c’est vrai, il y a des orthophonistes. Mais, nous voulons des experts étrangers qui pourront nous aider davantage.
En ce qui concerne le processus de rééducation, ce sont les orthophonistes qui sont mieux placés pour expliquer. Nous, notre objectif, c’est d’accompagner, de trouver des voies et des moyens, comment accompagner ces enfants. C’est notre première vocation, et la deuxième consiste à faire venir deux orthophonistes de l’étranger pour faire une prise en charge et former certaines personnes pour une continuité. Et à date deux orthophonistes ont répondu à notre appel. Ils vont nous accompagner dans cet élan. Ils seront au mois d’avril à Conakry. Un Burkinabé et une Ivoirienne.

Comment va se dérouler la campagne du mois d’Avril ? 

 

Effectivement, cette campagne de sensibilisation, comme je l’ai dit tantôt, c’est pour accompagner, c’est pour dépister. Parce qu’au cours de notre enquête, les responsables d’école nous ont fait une liste d’enfants. Et on ne sait pas réellement, à part le bégaiement, est-ce qu’il y a des enfants qui ont d’autres troubles du langage? Donc, ce n’est pas seulement le bégaiement, c’est un problème d’élocution, de communication, comment s’exprimer correctement, sans problème.

Dites-nous ce qui vous a motivé à mettre en place cette ONG? 

Elle découle d’une expérience personnelle. Moi, je suis bègue. J’étais bègue lorsque j’étais très petite. Et ironie de l’histoire, j’ai épousé quelqu’un qui bègue aussi.

Et comme on dit, deux parents, un parent qui bègue, l’enfant a 70% de risque d’être bègue . Et j’ai fait des enfants qui bègaient. J’ai essayé de créer une technique pour essayer de surmonter mon bégaiement . Et cette technique, je l’ai apprise à mes enfants.

Quelle est cette technique ?

Il y a plusieurs techniques, ça dépend. Par exemple, avant de parler, d’abord dire ce qu’on veut dire plusieurs fois dans la tête. Parlez posément, soufflez, expirez, parlez doucement. Moi, par exemple, vous voyez, je parle rapidement. Mais l’orthophoniste est mieux placé pour ce genre de choses. Chacun a sa manière, chacun peut développer une technique qui peut l’ aider. Parce que vous-même, vous allez voir, si vous rencontrez un bègue, il va te dire « Ah, moi je bégayais  avant, mais c’est ce que j’ai développé une technique pour pouvoir mieux parler. » Ainsi de suite, chacun peut développer quelque chose qui peut lui permettre de mieux parler.

Alors pour vous accompagnez dans cette campagne, de quel soutien avez-vous besoin ? 

Je souhaiterais un accompagnement. Parce que c’est vrai, il y a la fondation FITIMA qui avait commencé. Mais nous, on souhaiterait élargir. Parce qu’on a compris que c’est un réel problème. Et on souhaiterait que le gouvernement se penche dessus pour que, l’accompagnement de ces personnes qui bégaient soit une gratuité. Soit, ça veut dire que le gouvernement prend en charge, prend en considération ce problème. S’il faut payer 50 000 francs pour voir un orthophoniste, tout le monde n’a pas les moyens. Mais on souhaiterait que le gouvernement essaye de se pencher sur cet aspect et qu’il essaye de mettre en place une stratégie pour accompagner ces milliers de personnes qui ont ce problème de langage. Parce que tout le monde n’a pas les moyens d’aller voir à chaque séance, de payer quelque chose à chaque séance. Nous souhaiterons l’accompagnement des autorités actuelles.

Propos recueillis par Fodé Touré pour couleurguinee