Guinée : se refonder, sinon l’Intelligence artificielle va bouleverser l’enseignement !

Nous retrouvons à nouveau Monsieur Ibrahima Bah, coordinateur du G.E.R afin de poursuivre avec lui les réflexions entamées en Octobre de l’année dernière sur les défis et les transformations de notre système éducatif. Il est persuadé que si elle n’est pas refondée, l’école Guinéenne est appelée à disparaître car des modèles alternatifs d’éducation ont petit à petit le vent en poupe. Pour le reste, nous vous invitons à lire ses propos.

 » L’intelligence artificielle va révolutionner notre système éducatif et mettre beaucoup d’enseignants au chômage  » dixit Ibrahima Bah, le Coordinateur du GER dans cet entretien

Bonjour Monsieur le coordinateur, pourquoi ce silence prolongé ?
Nous vous prions, vos fidèles lecteurs et vous, d’accepter nos excuses. Loin de nous l’idée de nous mettre en retrait, surtout après le succès de notre dernier passage sur votre plateforme média. Le Groupe Éducatif la Renaissance (G.E.R) a pour ainsi dire été submergé par l’afflux d’élèves et nous avons dû nous réorganiser en profondeur afin de pouvoir faire face à ce nouveau défi : maintenir intact notre niveau d’exigence malgré l’augmentation des effectifs.

Vous prophétisez donc que d’ici peu, Chat GPT remplacera nos enseignants dans les salles de classes ?

‘’Remplacer‘’ est peut-être un mot un peu fort. L’avènement des Large Language Models (en abrégé LLM’s) va indubitablement pousser les enseignants à profondément remanier leur pratique de ce métier, voire même leur entière conception de ce qu’est l’école. Ceux pour qui enseigner équivalait à préparer des résumés plus ou moins pertinents et plus ou moins actualisés pour ensuite les faire recopier par leurs élèves ont effectivement du souci à se faire. Ceux dont le seul talent était de savoir répondre aux questions du type ‘’Qu’est-ce que ? Quoi ? et Comment ?’’ verront à quel point ce ‘’savoir’’ est ringardisé voire rendu obsolète par des outils comme Chat GPT. Il est frappant de constater qu’une application, gratuite de surcroît, est en quelques secondes capable de produire de limpides résumés de cours, des questions de consolidation et même de véritables sujets d’évaluation dans des matières aussi variées que la biologie, la philosophie, l’histoire, la géographie, les langues et l’économie. Dès l’instant où l’I.A nous surpasse dans ce que nous considérions comme étant une chasse gardée, il est fondamental de nous questionner. Qu’est-ce que le savoir ? Qu’est-ce que la connaissance ? Qu’est-ce que l’intelligence ? Il va falloir que nous autres éducateurs réfléchissions sérieusement à ces questions. Si un LLM comme Chat GPT, qui n’est même pas considéré comme une véritable intelligence artificielle, est capable d’avoir 18 de moyenne au Bac et décrocher un doctorat avec mention, ça veut dire que la manière même dont sont pensés et conçus nos examens est à repenser.

N’est-il pas risqué de laisser un tel outil aux mains des élèves ? Cela ne risque t’il pas de saper l’autorité de l’enseignant ?

Au G.E.R, Nous voyons les choses différemment. Prenez l’exemple des actuels pensionnaires de nos universités : 100% d’entre eux utilisent déjà l’IA pour traiter les devoirs et rédiger les exposés ! Je ne serai même pas surpris si j’apprenais que leurs mémoires de fin d’études et leurs thèses étaient en réalité produits par GPT. Certains font même appel à cet outil pour leur rédiger des e-mails et des Sms dans un français (ou un anglais) parfait afin de se faire passer pour plus compétents qu’ils ne le sont. Je ne compte plus le nombre de fois où nous avons reçu des postulants dont les demandes d’emploi et lettres de motivation étaient rédigées dans un français immaculé alors que leur niveau intrinsèque n’était même pas équivalent à celui d’un élève du CM2 ! Tous furent incapables de dissimuler leurs lacunes lors de l’entretien d’embauche. Plusieurs étaient même incapables de LIRE CORRECTEMENT leur propre lettre de motivation !
Cette longue digression avait pour but de vous expliquer à quel point il serait illusoire et vain de vouloir ‘’cacher’’ ou pire, interdire ces outils aux apprenants. Il est déjà trop tard. Plutôt que de la considérer comme une menace ou un concurrent, les enseignants devraient au contraire pleinement intégrer l’IA à leur arsenal académique et pédagogique. Au Groupe Éducatif la Renaissance, nous considérons que l’avènement de l’Intelligence Artificielle est une très bonne chose pour l’éducation. Les formateurs que nous sommes la voient comme un puissant assistant et un formidable atout dans l’atteinte de nos objectifs. Grace à elle, nous arrivons à faire 10 fois mieux en 10 fois moins de temps !
Quant aux élèves, cet outil leur permet de poser toutes les questions qu’ils n’auraient pas eu le temps ou l’idée de poser pendant le cours et d’obtenir une infinité d’exercices à la difficulté modulable selon leur niveau.
Bref, avec l’IA, chaque élève a désormais accès 24h/24 à un répétiteur de luxe. N’est-ce pas formidable ?

Si comme vous l’affirmez l’intelligence artificielle est capable d’avoir de meilleures notes que nous au Bac et de décrocher le doctorat avec mention, quelle valeur pouvons-nous désormais accorder à ces diplômes ?

Vous posez là une question fondamentale ! Si la version GRATUITE d’une application peut en une demi-heure traiter 100% des épreuves du bac TOUTES OPTIONS CONFONDUES ou rédiger des centaines de pages d’une thèse de doctorat qui recevra la mention ‘’Très Bien’’, peut-on encore considérer les diplômes académiques comme réellement pertinents ? Je ne pense pas. Lors d’une précédente interview ici, nous avions déjà pointé du doigt ce que nous appelions ‘’le piège du diplôme’’ dans lequel tombent encore des millions de jeunes Africains : penser qu’école = diplôme(s) et que diplôme(s) = emploi. Ce temps est totalement révolu. A une époque où vous avez désormais des associations de chômeurs diplômés de Harvard, des associations Camerounaise et Ivoirienne de chômeurs titulaires du doctorat, des situations où des parents ayant payé des centaines de milliers de dollars pour les études de leurs gosses se retrouvent obligés de les héberger une fois le fameux diplôme en poche car ces derniers sont en proie au chômage, vous comprenez le drame. Vous rendez vous compte ? S’endetter de plusieurs centaines de milliers de dollars pour au final se retrouver avec un diplômé-chômeur ?!
Dans un monde de plus de 8Milliards d’habitants, Pour que l’équation ‘’diplôme(s) = emploi’’ fonctionne, il faut presque nécessairement que l’employeur soit aussi celui qui délivre le diplôme. Cette philosophie est peu à peu en train de s’installer dans les esprits, notamment ceux de la Silicon Valley. Nombreux sont les analystes qui conjecturent que d’ici peu, de grandes entreprises comme le groupe DANGOTE, Apple, Microsoft, Facebook ou Tesla auront leurs propres académies et décerneront leurs propres diplômes. Cette logique fait parfaitement sens. Qui est mieux placé que l’employeur pour former ses futurs employés ? A plus petite échelle, le projet Simandou a aussi adopté cette approche. Il est prévu des Centres d’apprentissage d’où sortiront des techniciens spécialisés dans les différents corps de métiers concernés par la gigantesque exploitation (et nous l’espérons, transformation) du minerai de fer qu’abritera bientôt notre pays.
Pour que ‘’diplôme(s) = emploi’’ fonctionne, il faut désormais que ‘’école soit égale à compétence + savoir-faire’’. Nous ne pouvons plus, en Afrique Subsaharienne, nous permettre de continuer à produire chaque année des diplômés sans aucune compétence ou savoir-faire réels. Nous devons immédiatement fermer toutes ces usines de production de chômeurs ! La généralisation de l’enseignement supérieur technique et professionnel est la voie à suivre et nos pays doivent s’y engouffrer sans perdre un instant. Cette prise de conscience nous permettra de transformer notre jeunesse en une richesse, ce qui n’est absolument pas le cas aujourd’hui. Partout, y compris en occident, faire beaucoup d’enfants est devenu synonyme d’inconscience. La progéniture est désormais considérée comme une charge et non une richesse. En Afrique Subsaharienne, faire beaucoup d’enfants est devenu le principal marqueur de pauvreté alors qu’il n’y a même pas un siècle, c’était un marqueur de richesse. Dans nos pays où tout est encore à construire, nous avons besoin de nos jeunes, mais uniquement de ceux que nous aurons correctement préparés aux défis auxquels nous faisons face. Un pays Africain produisant chaque année 1000 techniciens et ingénieurs n’aura pas le même destin que son voisin produisant 1000 maîtrisards et doctorants en sociologie ! C’est à nous de prévoir BIEN AVANT QU’ILS NE GRANDISSENT ce que nous ferons de nos jeunes. Autrement, ils seront une bombe à retardement qui fera voler en éclats tous nos espoirs et tous nos rêves.

Quelles solutions préconisez-vous donc ?

Pour commencer, concentrons-nous sur ce que l’Intelligence Artificielle ne maîtrise pas : la technique et le savoir-faire. Il est impératif de revoir en profondeur les curricula afin de supprimer purement et simplement toutes les matières dans lesquelles l’IA peut désormais décrocher un doctorat avec mention. Revenir aux travaux manuels et apprendre à nos enfants à faire quelque chose de leurs dix doigts en dehors de tenir un Bic ou taper sur un clavier. Enfin, l’enseignement technique doit devenir omniprésent. Les collèges et lycées techniques doivent devenir la règle et non l’exception. Vous avez pu constater qu’au G.E.R, nous pratiquons ce que nous prêchons. Le Groupe Éducatif la Renaissance amorce depuis quelques années ce virage et nous espérons pouvoir bientôt annoncer chez vous l’ouverture du G.E.R-Tech, notre établissement d’enseignement technique qui accueillera des titulaires du BEPC afin de leur offrir des compétences précieuses et facilement monétisables en informatique, électricité, électronique etc. Par la grâce du bon Dieu, nous espérons pouvoir une fois de plus démarrer une tendance qui, nous en sommes sûrs, permettra de redonner espoir à la jeunesse de Guinée et d’Afrique.

Vous proposez donc qu’on revienne à une éducation semblable à celle de la Guinée post indépendance ?

Je comprends votre crainte. Nous sommes depuis des années matraqués de slogans, TOUS VENUS D’OCCIDENT, parlant de ‘’modernité’’ et de ‘’progrès’’. Pour ne citer que le domaine qui me concerne, celui de l’éducation, de l’enseignement et de la formation, je ne peux que constater à quel point ces histoires de progrès nous ont fait du mal. Dans notre pays, pullulent des officines déguisées en ONG, financées par les grandes puissances d’occident et suivant un agenda opaque qui sont en train de nous faire plus de mal que de bien. En travestissant des idéaux nobles tels que la protection de l’enfance et des personnes vulnérables, ces structures ont peu à peu transformé les apprenants en roitelets n’ayant que des droits et aucun devoir ! Gare à l’enseignant ou à l’établissement qui mettrait un peu trop de pression sur ses élèves afin que ceux-ci restent sur le droit chemin. Nous voyons de plus en plus de scènes ubuesques où un élève, bien souvent récalcitrant, traine son enseignant(e) en justice pour quelques coups de chicotte et est en cela encouragé voire poussé par ces organismes de ‘’protection de l’enfance’’. Que pensons-nous ainsi encourager ? Quel message voulons-nous faire passer ? Que l’enseignant doit se concentrer sur le peu d’élèves qui s’en sortent et laisser les autres baigner dans la médiocrité ? Que notre souhait est d’avoir comme en France d’innombrables cas d’élèves qui insultent, humilient et même battent leurs enseignants en plein cours ? NON ! Il est à notre avis temps pour nos États d’affirmer leur souveraineté dans le domaine éducatif en arrêtant cette occidentalisation délirante. Prenez l’exemple des fameux CPGE (Cours préparatoires aux grandes écoles) inaugurés en grande pompe à Dalaba : Ils symbolisent parfaitement notre retard idéologique vis-à-vis de l’objectif ‘’zéro diplômé chômeur en Guinée’’. Vous avez là un programme qui, dans le meilleur des cas, exportera nos bacheliers les plus brillants vers des écoles de commerce ou d’ingénierie basées en France et au Maghreb. En plus de pratiquer des tarifs exorbitants en termes de frais de scolarité, ces écoles contribuent malheureusement à envoyer hors du pays des cerveaux dont nous aurions grand besoin ici. Plutôt que d’investir des milliards dans un énième cursus théorique, n’aurait-il pas été préférable d’enrichir notre offre de formation technique universitaire ? Un institut semblable à l’ITT (Institut Technique et Technologique) de Mamou aurait été à notre humble avis, un bien meilleur investissement.
Nous ne sommes pas dupes. Nous sommes conscients que dans ce monde, celui qui paye est celui qui commande. Raison pour laquelle nous exhortons nos États à affirmer leur souveraineté éducative, sans quoi, notre continent sera condamné à voir partir ses cerveaux l’un après l’autre, faute d’adéquation entre la formation et l’emploi. Déjà, l’Intelligence Artificielle a détruit des professions entières. Des métiers comme ‘’Designer’’, ‘’Dessinateur’’ ou même ‘’Architecte’’ sont mis hors circuits, et ce n’est que le début.

Était-ce pour faire passer ce message que vous avez récemment reçu l’écrivain Tierno Monénembo pour une conférence ?

D’une certaine manière, oui. Monsieur Tierno Monénembo, beaucoup l’ignorent, n’a pas suivi de cursus littéraire : Il est docteur en biochimie. Autrement dit, il fait partie de ces talents dont n’a pu se servir la Guinée. Fort heureusement, son don pour l’écriture et l’art dramatique lui a permis de briller autrement et de faire briller notre pays. Qu’on soit d’accords ou non avec ses opinions politiques, on se doit de respecter son parcours et surtout, son amour infini pour la mère patrie.
A une époque où nos jeunes n’ont pour modèles que des chanteurs, des sportifs et des influenceurs, il nous semblait crucial de donner d’autres références et montrer d’autres héros contemporains à nos élèves. Cela aussi contribuera, nous en sommes sûrs, à façonner le Guinéen et l’Africain nouveau.
Depuis tous petits, nous avons maintes fois entendu claironner par nos enseignants, nos autorités éducatives, nos responsables politiques et étatiques que ‘’Les jeunes d’aujourd’hui seront les cadres de demain’’. Quels cadres ? Quels jeunes ? Ceux dont les seuls rêves se limitent au triptyque ‘’Sexe-Argent-Pouvoir’’ ? A l’avènement du CNRD, combien de fois avons-nous été bassinés par le slogan ‘’Place aux jeunes’’ ? Mais quels jeunes ? Les futurs ministres-influenceurs ? Directeurs de Département et Tik-Tokeurs ? Ou bien les gouvernants éclaboussés par des scandales de Sextapes ?
Vous voyez donc que la jeunesse, tout comme la vieillesse, ne garantissent pas la sagesse. L’âge n’a jamais été un critère de compétence : SEULE LA COMPÉTENCE maintes fois éprouvée mérite d’être prise en compte lors de la nomination ou de l’élection d’un responsable. Est-ce le cas chez nous en Afrique ? Et en Guinée ?
Enseigner dans nos écoles l’histoire, la géographie, l’éducation civique ou la littérature ne garantissent en rien la rectitude morale chez les enfants. Bien les former en mathématiques, en biologie, en chimie ou en sciences physiques ne signifie pas que vous aurez à la sortie des hommes et des femmes, honnêtes, patriotes et responsables capables de dire NON aux tentations et à la corruption.
‘’L’enfant n’est pas un vase que l’on remplit, mais un feu qu’on allume’’. Cette célèbre citation résume à elle seule ce que signifie réellement ENSEIGNER. Au Groupe Éducatif la Renaissance, nous avons décidé de ne pas simplement parler à nos élèves d’honnêteté et de rectitude morale, mais de les incarner nous-mêmes et de leur faire rencontrer des Africains comme eux, des Guinéens comme eux, capables de servir de modèles et d’exemples afin que brûle en nos enfants l’inextinguible flamme du travail, de la justice, de la solidarité, de l’honnêteté et de la probité intellectuelle. Tel fut la mission de M. Tierno Mo Nenembo lors de son récent passage chez nous. Mission qu’il sut remplir au-delà de toute espérance.

Comment le G.E.R – Kindia compte t’il contribuer à l’avènement de cet Africain nouveau ?

Nous avons déjà commencé. Que ce soit en introduisant dès la 7e Année l’éducation financière et l’initiation à l’entrepreneuriat, ou en formant gratuitement nos élèves à des métiers en parallèle de leur cursus dans l’enseignement général. Nous envisageons néanmoins d’aller plus loin en investissant dans la création d’un établissement d’enseignement technique ultra équipé. Les meilleurs sortants de cet institut seront directement recrutés dans notre future ligne d’assemblage de Smartphones et ordinateurs portables ‘’Made in Guinea’’.
Pour que tous les jeunes garçons et jeunes filles du pays, pas seulement ceux résidant à Kindia, puissent bénéficier de cette unique opportunité, nous prévoyons de construire à proximité de l’institut technique, un internat ultra moderne capable d’accueillir jusqu’à 300 pensionnaires.
Vous l’aurez compris, nos ambitions sont très grandes et nous espérons sincèrement être les précurseurs d’un mouvement d’ensemble qui fera de l’éducation en Guinée et en Afrique, un véritable levier de développement et de lutte contre la pauvreté.

Où vous trouver et Comment vous contacter ?

Le Groupe Éducatif la Renaissance, n’est pas difficile à trouver. Nous sommes une des plus vénérables et des plus respectables institutions éducatives de la ville de Kindia. Nous sommes joignables via les numéros 622687024 et 621968485. Ceux qui préfèrent communiquer via WhatsApp pourront nous contacter au 610773456 et au 629070413. Nous organisons deux fois dans l’année des journées ‘’Portes Ouvertes’’ afin que quiconque souhaitant étudier chez nous, travailler chez nous, collaborer avec nous ou simplement s’inspirer de nous puisse librement nous rendre visite et nous poser des questions sur notre philosophie de travail. Ensemble, unis et solidaires, nous vaincrons la malédiction du Chômage chez les jeunes Guinéens diplômés !