Le petit débarcadère de Yakoumbaya situé au quartier Dabondy 1 dans la commune de Matoto fait vivre bon nombre de citoyens de ce quartier. Un port selon les pêcheurs créé par les premiers occupants de cette partie de Conakry. Cependant, le manque de route affecte sérieusement les activités de ces pêcheurs. Ici, nous retrouvons plusieurs jeunes sous un grand hangar. Des cordes sur lesquelles sont fixées des lames sont accrochées à leurs cous. Des aiguilles en main, qui leur servent d’outils pour réparer ou tisser les filets des pirogues des pêcheurs étaient visibles. Ceux-ci se font appelés des arrangeurs.
Soumah Fodé Bayo diplômé est de ceux-ci.
« J’ai trouvé mes parents dans ça. Mon papa est pêcheur et ma maman est vendeuse de poissons fumés. J’ai fini mes études en sciences du langage. Mais, je n’ai pas eu d’emploi. Finalement, j’ai continué dans la pêche pour ne pas rester sans rien faire. Je me débrouille ici en arrangeant des filets des pêcheurs. Quand ils vont à la pêche, parfois, il peut y avoir des anomalies qui font que les filets se décrochent ou se déchirent. Quand ils viennent maintenant, ils nous consultent pour la réparation » explique-t-il.
D’autres jeunes sont des pêcheurs. Ils étaient dans des barques et ralliaient la mer à la quête des poissons.
Ils ont plusieurs trajets à parcourir « Sangbom, rapata, yeghafour mawla… On pêche, les yeghei fagnis (bons poissons), les bongas, les bouloungoungnis les pêcheurs pêchers » explique Alvine jeune pêcheur.
L’autre trajet, c’est la rive lointaine qu’ils appellent « Blue water ». Il se trouve à la frontière Guinée-Sierra Leone affirment ces jeunes. Ce pêcheur dit qu’ils font sept jours en plein mer pour ce trajet.
« On prépare à manger dans la pirogue, on dort dedans, tout se fait dans la pirogue pendant une semaine. Nous pêchons les cautas, les ninis yekhei, les soris (les plus chères) l’estomac seulement est vendu à 4 500 000fg) » explique notre interlocuteur.
Par manque d’accès à ce débarcadère, ces poissons sont acheminés vers le débarcadère de Bonfi pour la vente, précise ce jeune.
Dans ce débarcadère était perceptible aussi des porcs.
« Des clients particuliers viennent souvent, ils paient les jeunes pêcheurs pour qu’ils les attrapent et ils les acheminent à Coleah et en font des brochettes » dit Alvine
Ce port ne sert pas seulement de pêche. Il est tout de même utilisé comme dépotoir d’ordure. Ces déchets ont aussi leur rôle à jouer indique Yamoussa Soumah Alias « Tout petit ». Il est doyen du port. Il dit vivre dans ce coin depuis des années. En langue soussou, il nous a expliqué comment ça marche.
« Depuis 1970, je suis là. C’est ici que j’ai fondé ma famille. La pêche, c’est mon boulot. Toute l’espace que vous voyez ici où nous sommes arrêtés, l’eau venait jusque-là. Ça dépassait même ici. Mais du fait que les gens jettent les ordures ici et que la terre aussi on a pu remballer ici, l’eau a été repoussée pour qu’on ai de la place pour s’installer. Tous les petits cabarets là et les maisons, le hangar tout ce que vous voyez a été construit sur de l’eau à travers les contributions que nous faisions ici » a-t-il expliqué
Le problème de route, c’est les difficultés majeures auxquelles ces pêcheurs sont confrontées. Tous ceux qui ont été interrogés ont évoqué cet obstacle.
« Il n’y a ni entrée, ni sortie pour les engins roulants. On est près de 1 000 pêcheurs qui évoluent ici. On a souffert ici. Les camionnettes qui nous ravitaillent de la glace n’ont pas accès au port par défaut de route. Donc ils stationnent en haut de la colline. Et nous les trouvons là-bas afin de transporter la glace. S’il s’agit d’envoyer les poissons pour nos clients, c’est pareil. Donc, nous demandons à l’Etat de nous aider à trouver une route ici. Même s’il ne nous aide pas à assainir le port, qu’il nous aide à avoir la route pour que les voitures aient accès au port » plaide ce doyen.
Un atelier mécanique hors-bord est aussi sur place. Il sert à réparer les moteurs des pirogues. Aboubacar Doumbouya est le mécanicien. Assis dans son atelier de quelques mètres de large, sous une tente, il décrit les difficultés liées à son travail
« Les outils avec lesquels nous travaillons sont archaïques. Il y a aussi des pièces des moteurs de certaines pirogues ici qui n’existent pas dans le marché. Et les pêcheurs n’ont pas les moyens d’acheter de nouveaux moteurs. Donc, on fait des modifications. Les moteurs hors-bords des pirogues ne sont pas faciles à gagner au marché. Ils coûtent très chers, on les revend jusqu’à 27 millions de fg » dit-il
Les pêcheurs ne sont pas seuls à occuper l’espace de ce petit débarcadère. Nous retrouvons aussi des femmes fumeuses de poissons. Aminata Bangoura est parmi elles. Elle évoque le calvaire que ces femmes vivent.
« Le hangar où nous fumons nos poissons est gâté. On n’a pas de dockers parce qu’il n’y a pas de routes. Quand nous fumons les poissons, nous sommes obligés de les porter sur la tête et les transporter au goudron pour les revendre. Nos clients ne descendent pas ici. Nous dépensons parfois plus que nous gagnions » dit cette dame.
Ces pêcheurs invitent le gouvernement notamment le ministre de la pêche et de l’aquaculture à s’intéresser à ce port qui selon pourrait être utile non seulement aux pêcheurs mais aussi à l’Etat.
Une immersion signée Abdul Karim Barry pour couleurguinee.com