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Tribunal criminel :  » Nous n’avons pas de tombe où nous receuillir » dit le témoin Oury Bailo Bah

Ce 14 février, c’est parti pour les auditions des parents et témoins du massacre du 28 septembre. C’est le départ de la phase 2 du procès après le passage, du 28 septembre dernier à nos jours, des 11 accusés.

Oury Bailo Bah, avocat est le premier témoin de ce procès. Il a perdu son frère El hadj Hassane Bah le 28 septembre au stade du 28 septembre. Il rapporte qu’il était en contact téléphonique avec son frère lorsqu’il était rentré au stade.  » Nous sommes là, ça va !  » lui avait dit El hadj Hassane.

Mais, peu de temps après, son frère lui a dit  » les bérets rouges sont rentrés ». A ce moment précis, ce témoin dit qu’il entendait des crépitements, des coups de feu et des cris.

Il dit qu’il entendait les allaitements de son frère et ce dernier lui disait

 » Ils tirent. Ils tirent » en courant et il lui dit  » alors tente de te sauver ».  » Oui, c’est ce que je fais » répond El hadj Hassane. Et l’avocat de faire cette recommandation à son frère.

 » Ne coupe pas l’appel, restons en contact » aurait il dit à son frère.

 » J’entendais toujours son allaitement. Il courait et d’un coup, apparemment, le téléphone est tombé parce que j’entendais les bruits environnants, mais pas mon frère. Il ne répondait plus » témoigne ce parent de victime.

Il dit que c’est à 12h sur France 24, sur la bande passante qu’il a vu écrit  » massacre au stade du 28 septembre. Bilan 10 morts.

Après un tour à la morgue du CHU Ignace Deen, Oury Bailo Bah s’est déporté au CHU Donka, toujours à la recherche du corps de son frère. Et il témoigne.

 » Des camions sont venus, trois camions remplis de corps et de blessés. Je n’avais jamais vu autant de sang d’un être humain. Du sang humain coulait comme si nous étions à une boucherie. » se souvient ce témoin.

Peu de temps après,  il témoigne de l’arrivée d’un groupe de bérets rouges, parmi lesquels le ministre de la santé d’alors Colonel Diaby. Selon toujours ce témoin, ces bérets rouges étaient venus, apparemment, à la recherche d’un corps. Ils ont chassé tout le monde à la morgue.

Désormais, personne n’était autorisé à voir les corps.

C’est ainsi qu’ils se sont rabattus sur l’hôpital Donka. Et là, il décrit une scène horrible vécue à 14h.

 » Trois camions remplis de corps et de blessés sont arrivés. Ils ont débarqué les blessés et les corps. Je n’avais jamais vu autant de sang d’un être humain. Du sang humain coulait comme si nous étions à une boucherie » se souvient-il.

C’est, dit-il, à 18h qu’il a reçu la nouvelle fatidique

 » Il m’a dit sois courageux. J’ai vu Hassane parmi les morts. Pour être sûr, je me suis approché de son corps, j’ai pris dans sa poche une clé et 7000 francs guinéens » aurait dit cet inconnu

Cinq jours après, Oury Bailo Bah et ses soeurs se sont rendus à la mosquée Fayçal où tous les parents de victimes étaient conviés pour la restitution des corps. Des camions y ont déposé les corps

 » Beaucoup de corps étaient en état du putréfaction. Nous étions obligés d’ôter les linceuls à la recherche de traces, d’indices permettant de reconnaître un parent. Nous avons constaté le manque de dignité dans le traitement des corps. Et j’ai constaté que le nombre de corps annoncés à savoir 57 corps n’était pas là. Il y avait moins de corps » a dit Oury Bah. Une trentaine dit-il.

Et de poursuivre

 »  Le corps de mon frère a été vu au stade ».

Il a brandi une photo sur laquelle on voit des corps étalés à même le sol. Il a dit que le 4éme était son frère. Et c’est de là que le corps de El hadj Hassane a été porté disparu pour de bon

Les yeux voilés de larmes, la voix cassée, il a articulé

 » Nous n’avons pas de tombe où nous recueillir. Ce qui nous reste de lui, c’est son souvenir. Je voudrais bien monsieur le Président qu’on nous dise où se trouve le corps de mon frère ».

Oury Bah a déclaré qu’après avoir longtemps fait espérer leur maman, il lui a finalement annoncé la triste nouvelle

 » J’ai dit que le corps était dans un tel état qu’on ne pouvais pas le transporter à Pita. Et elle m’a dit même s’il est en bouillie, il faut le mettre dans un sac et me l’envoyer. Je veux le voir. C’est à ce moment précis que j’ai été obligé de lui avouer qu’on n’a pas retrouvé le corps » expliqué Oury Bailo Bah. Neuf mois après, la maman a rendu l’âme,

 » Le corps de mon frère, on l’a fait disparaitre. Je sais qu’il n’est plus parmi nous. C’est son souvenir qui reste ».

Compte rendu d’audience par Abou Bakr pour couleurguinee.com 

 

 

 

 

 

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