Il existe des dames dont les mentons sont garnis de poils. On les appelle communément » femmes barbues ». C’est un phénomène peu fréquent dans la gente feminine. Et cette singularité est souvent source de stigmatisation pour ces dames. Certaines sont des mères de familles, mais ça ne les met pas non plus à l’abri d’une certaine clameur publique qui les qualifie de » femmes maléfiques, porteuses de malchance ».
Certains soutiennent même que ce sont des femmes à ne pas épouser.
Cette stigmatisation a amené bon nombre de ces dames à se renfermer sur elles-mêmes. Certaines s’acceptent mal dans cette situation, d’autres vivent dans une boule de stress et de complexe qui finit par les pousser au dégoût de soi, au manque d’estime pour soi. Et elles finissent par la déprime.
« Nous sommes vues comme des femmes répugnantes, des sorcières, des types de femmes à ne pas épouser parce nous sommes susceptibles, dit-on, de troubler le climat social dans une communauté, dans une famille. Alors que c’est Dieu qui a voulu qu’on soit ainsi. Chaque jour, on nous remarque, on a l’impression d’être considérée comme un lourd fardeau pour la société. Parfois, nous sommes obligées de nous raser les barbes, les moustaches » a déclaré une d’entre elle, sous l’anonymat.
Mais, il y en a aussi qui sont émancipées et fières de ce don de Dieu qui les différencie des autres femmes. Elles considèrent cet état de fait comme un atout et non un handicap.
Hawa Kourouma fait savoir qu’elle ne veut plus vivre sous l’emprise des préjugés. La barbe est apparue chez elle lorsqu’elle avait 9 ans. Dans un premier temps, elle n’a pas eu trop de considérations pour ce signe.
« Je ne pouvais pas imaginer qu’elle allait pousser vite jusqu’ à atteindre un niveau visible » explique Hawa Kourouma.
Elle a donc décidé de s’affirmer, de s’accepter comme tel. Elle a lutté corps et âme. Parfois, elle éprouvait un sentiment d’amertume, et de regret total de sa venue au monde.
« Je voulais me suicider, parce que c’était trop pour moi, des gens me disaient qu’est-ce qu’une fille à barbe a à faire avec les filles normales. Donc, il y en a qui pensaient que moi, je n’étais vraiment pas une personne normale. J’étais taguée et classée dans une catégorie. On me disait : « Toi, tu es comme un garçon, un homme. Tu ne dois vraiment pas être considérée comme une femme normale ». Et pourtant je suis une femme. Vous imaginez j’étais scrutée. Parfois il m’arrivait d’éprouver du dégoût pour ma personne. J’avais honte, ça me gênait de voir que j’étais au centre des débats. Et à l’université aussi, les mêmes paroles revenaient : « toi, tu es un homme et non une femme », voyez vous à quel point j’étais traitée de femme sorcière, mangeuse d’hommes, de types de femme à ne pas épouser. Et franchement, ça me faisait mal au cœur que les gens continuent de parler de moi alors que c’était indépendamment de ma faute » se lache-t-elle.
Mais, la solution n’était autre que s’accepter comme tel. Et c’est l’option choisie par cette Dame.
« Lorsque j’ai posté une vidéo en ligne en disant que je m’assume telle que je suis, et aussi pour servir d’exemple pour les autres femmes, la vidéo a été virale sur les réseaux sociaux. Et les réactions ont généré divers avis. Franchement, en voyant ces différentes opinions, j’ai été réconfortée à plus d’un titre. Donc ce n’était plus la peine de se cacher des regards des gens ou de se préoccuper de ces préjugés.
À la base, je suis issue d’une famille velue. Quand on prend le côté maternel, ma grand-mère a aussi développé des barbes comme moi. Nous nous ressemblons on dirait des sœurs jumelles. Ma mère, pareille, et moi qui suis là, voilà, je développe aussi. Je peux dire que c’est un chose que j’ai héritée de mes parents » a expliqué Hawa Kourouma
Le Dr Ben Youssouf Keita, un médecin généraliste a indiqué que « L’hirsutisme ou femme velue voire poilue » est l’apparition de poils dans des zones non habituelles ou indiquées chez une fille ou une femme.
« l’hirsutisme est due a une production anormale de testosterone chez la femme qui dans des conditions normales n’en produit qu’une infime quantité soit 20 à 30 fois moins que l’homme. Les ovaires de la femme produisent la progestérone et œstrogène (Hormones de la féminité). Quand une femme souffre de la maladie d’ovaires polyquistiques ou de tumeur de la glande surrénale elle peut produire une quantité anormale de testostérone qui la masculinisera provoquant l’hirsutisme chez elle. En d’autres termes, c’est une maladie organique sur les ovaires, donc des glandes ovariennes sur la femme, c’est-à-dire des kystes nombreux, ce qu’on appelle polykystes ovariens qui peuvent procéder à la production exagérée d’hormones androgènes » a expliqué Dr Ben Youssouf
Et ce n’est pas tout.
« Quand ces hormones androgènes sont produites, le taux de testostérone peut augmenter anormalement sur la femme, faisant en sorte que les poils apparaissent où ils ne doivent pas apparaître sur la femme, c’est-à-dire le menton, la poitrine, le ventre, les fesses. Dans les conditions normales, l’hormone produit par la femme ne voit les poils qu’au niveau du symphyse du pubis, c’est ça. En dehors de là-bas, la femme ne doit pas avoir de poils, sauf sur la tête, ses cheveux, ses longs cheveux et sous les aisselles, c’est tout. Mais quand il y a donc cette hyperproduction due à la maladie polykystique des ovaires, ça lui permet simplement de faire un traitement qui puisse diminuer cette production et, si nécessaire » a indiqué Dr Ben Youssouf Keita
Zainoul Traoré, sociologue et enseignant chercheur dans les facultés de sociologie dans les universités guinéennes a de son côté dit que les interprétations varient selon les réalités socioculturelles.
» Il y a des communautés qui ne voient pas trop d’inconvénients à ce fait, mais pour d’autres non, ces femmes sont porteuses de mauvaises augures. Mais, sociologiquement tout ce qui est minoritaire s’écarte de la norme. C’est un cas pathologique », dit-il.
Par Fodé Touré pour couleur guinee