En raison du constat d’un écart manifeste entre le taux d’inflation diffusé et celui réel (sujet sur lequel nous reviendrons en détail au cours des semaines prochaines), il nous parait opportun d’éclairer la lanterne de l’opinion publique mais aussi d’attirer l’attention des autorités politiques sur les véritables enjeux des réformes. Quoi que cet écart fut considérable à l’avènement de la Covid-19 et de ses avatars, il pourrait entre autres s’expliquer par le fait que le panier de biens qui composent l’indice ainsi que les pondérations qui y sont attribués ne représentent forcément les biens achetés par les ménages au cours d’une période donnée.
Cependant, il convient de rappeler qu’un niveau d’inflation bas et stable est le principal objectif de la politique monétaire. Pour l’atteindre, un tel niveau d’inflation, des ajustements s’imposent sur la conduite de la politique monétaire.
C’est pourquoi il est capital de voir et de mieux comprendre tout écart entre l’inflation perçue/réelle et l’inflation mesurée. Avant d’en arriver là, nous passons en revue le passage de l’Indice des Prix à la Consommation à l’Indice Harmonisé à la Consommation.
De l’origine de l’IPC :
Durant la première République, la Guinée a manqué d’indice de prix sous quelques formes que ce soit pour mesurer l’inflation. Il a fallu attendre 1985 pour voir le pays se doter pour la première fois d’un Indice des Prix à la Consommation(IPC). Cet indice a permis ainsi de montrer les effets des variations des prix sur le pouvoir d’achat des ménages à l’égard d’un certain nombre de denrées alimentaires, d’articles de première nécessité, de services etc.
Ainsi en 1999, cet indice montre toutes ses limites car, n’ayant fait l’objet d’aucune révision et produit 167 biens et services de consommation disponibles dans la capitale Conakry subdivisé en 7 postes : Alimentation (81 articles), Equipement-logement (2581 articles), Energie (981 articles), Habillement (1081 articles), Transport (1081 articles), Santé-Hygiène (1881 articles), Loisirs-Culture (1481 articles).
Du coup, en 2002, l’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation (IHPC) a remplacé l’IPC calculé dans la principale agglomération de chaque pays afin de permettre d’apprécier le respect des critères de convergence dans le cadre des accords établit entre les pays membres. A ce titre, les autorités déterminent ainsi un seuil afin de comparer correctement l’inflation des pays membres.
De l’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation :
Comme l’IPC, L’IHPC selon le bulletin mensuel publié par le département en charge de la mesure du coût de la vie, a pour population de référence l’ensemble des ménages africains de l’agglomération de Conakry.
Le panier de la ménagère comprend 312 variétés suivies dans 364 points d’observations. En somme, 3207 relevés de prix sont effectués chaque mois par les enquêteurs de la direction nationale de la statistique. Selon la même source, la période de base de l’IHPC est l’année 2002 et ses pondérations proviennent de l’enquête intégrée de base pour l’évaluation de la pauvreté réalisée en 2002/2003 auprès de 7612 ménages.
Cependant, il est opportun de signaler que l’IHPC est élaboré à partir de 416 produits et services de base indispensables aux ménages guinéens, dont certains peuvent intervenir plusieurs fois dans un poste en fonction de leur nature voire de leur localisation géographique.
Une limite fondamentale à l’IHPC :
Comme évoqué ci-dessus l’IHPC fournit une estimation de l’évolution de l’ensemble des prix figurant dans le panier de consommation des ménages entre deux périodes données. Cet indice Laspeyres du nom de son créateur, est l’instrument le plus utilisé de nos jours pour mesurer l’inflation en Afrique malgré le fait qu’il soit très limité. En effet, il ressort de la pratique que dans la mesure des variations des prix il ne tient compte seulement que des biens de consommation et services achetés par les ménages. Ainsi, les prix des biens d’équipement pour le logement et les services consommés par les entreprises ou les pouvoirs publics ne sont pas pris en compte dans son calcul.
L’objectif de cette partie est de mettre un accent particulier sur un élément qui, malheureusement ne figure pas dans l’indice utilisé pour évaluer l’inflation dans notre pays (autre élément à tenir compte selon un haut cadre de la BCRG, que nous ne pourrons malheureusement pas aborder sur ce papier pour ne pas abuser du temps des lecteurs, est celui portant sur la consommation des produits/services des opérateurs de la téléphonie mobile qui concerne à minima 80% de la population). Cet élément n’est rien d’autre que l’immobilier (achats terrain, matériel/matériaux de construction etc.). En effet, l’indice ne prend en compte que les dépenses en loyers, énergie (électricité et gaz) et en eau. Il exclut en revanche l’investissement en logement (achat des biens immobiliers). L’immobilier est considéré comme étant un investissement car il accroit le patrimoine des ménages contrairement à un bien consommé, le logement ne disparaît pas avec son utilisation.
Pourtant, après analyse du bulletin mensuel de l’IHPC, il ressort qu’en 2020, les dépenses de consommation en logement, eau, électricité et gaz n’ont pesé que pour 10,4% dans l’IHPC. Entre 2002 et 2020, les loyers et charges ont évolué en général plus vite (en moyenne plus de 50% par an) que l’inflation d’ensemble de 15,2%. Cette fâcheuse situation est due est l’absence de politique portant sur la construction des logements sociaux mais aussi de la règlementation du secteur malgré que l’Assemblée Nationale ait proposé, le mercredi 5 avril 2018, une loi sur les contrats de location. Il en est de même pour l’immobilier (ou encore l’achat des matériaux/matériels de construction) dont les prix ont explosé au cours de 20 dernières années dans la capitale Conakry (plus de 700% d’augmentation dans certains endroits et plus 1 000% dans d’autres uniquement pour les terrains nus selon le Ministère de l’habitat).
En conclusion, nous pensons qu’il serait judicieux d’étudier le changement de cette règle qui depuis implémentation n’a pas fait l’objet de révision. Pendant ce temps, le prix de l’immobilier a connu une augmentation sans précédent. De plus, en Guinée l’inflation ne se revalorise pas en fonction du SMIC (GNF 440 000) qui est resté constant depuis sa mise en place en 2O12/13.
Cependant, ne pas tenir compte de l’immobilier quand on parle du budget des ménages, c’est refuser de voir la réalité car, il représente 30% du salaire de certains ménages et 50% voire plus pour d’autres. C’est pourquoi nous pensons que l’indice des prix à la consommation sous-estime l’inflation, car son calcul ne prend pas en compte beaucoup de facteurs qui pourraient impacter positivement et significativement l’inflation comme nous l’avons démontré tout au long de cette analyse.
Par Safayiou DIALLO
Economiste