24 mars 2021. Journée internationale du droit à la vérité. Une des journées les plus importantes à célébrer pour le vivre commun de toutes et tous. A peine entendue sous les cieux de Conakry et ailleurs. Pourtant, il y a matière à commémorer. Le passif en droits de l’homme du premier régime avec les pendaisons et les arrestations. Les massacres du 5 juillet 1985 pendant le régime militaire. Les exactions qui se sont suivis et qui se suivent jusqu’à nos jours. Le droit à la vérité est indispensable pour amorcer un processus de réconciliation nationale. A propos, le Secrétaire Général des Nations Unies Antonio Guiterres disait : «…nous devons nous engager à protéger toutes celles et ceux qui recherchent la vérité et la justice et proposer aux victimes des recours efficaces, en leur rendant leur dignité ». Dans la présente, il sera brièvement question de revenir sur le concept et signification du droit à la vérité avant d’esquisser son intérêt pour le processus de réconciliation en Guinée.
Que recouvre le concept de droit à la vérité ?
Tout d’abord, il faut souligner que le concept du droit à la vérité est au cœur de tout processus de réconciliation nationale. Pour les Nations unies, le droit à la vérité est : «le droit de connaître la vérité absolue et complète quant aux évènements qui ont eu lieu, aux circonstances spécifiques qui les ont entouré, et aux individus qui y ont participé, y compris les circonstances dans lesquelles les violations ont été commises et les raisons qui les ont motivées ». Il s’agit ainsi d’examiner les causes, les circonstances et les acteurs actifs (auteurs, complices et autres) et passifs (victimes, témoins et autres) d’une part et d’autre part, redonner la dignité aux victimes des violations des droits de l’homme. Plusieurs formes sont envisagées dans ce cadre : mécanismes d’enquêtes et de poursuite, recours efficaces, recueils des témoignages et archives, réparations, reconnaissance, commémorations et érection de sites de mémoire et reformes légales.
Le droit à la vérité peut-il servir de socle pour la réconciliation nationale en Guinée ?
La Guinée a subi, au cours de son évolution historique, nombre de violations massives des droits de l’homme comme indiquée ci-haut, violations qui affectent le vivre commun et qui exigent la mise en place d’un processus de réconciliation nationale. Les prémisses certes très timides existent : la commission nationale provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale co-présidée par les deux hautes autorités religieuses en Guinée et le rapport qui en a résulté, l’exigence continue de la vérité des associations des victimes et le discours unanime des acteurs sociopolitiques sur la nécessité d’une réconciliation nationale. Cependant, deux handicaps majeurs freinent cet élan : le manque de volonté politique de s’engager, au delà des vœux pieux, sur un véritable plan de réconciliation nationale et la divergence entre divers acteurs sur les modalités d’une réconciliation nationale.
Pour notre part, il est indéniable d’entamer tout processus de réconciliation nationale en Guinée par le droit à la vérité : établir les faits tels qui se sont réellement déroulés, rechercher et identifier les charniers, restituer les biens confisqués, mettre en place un processus de justice transitionnelle permettant d’identifier auteurs et victimes, entamer des commémorations et engager des réformes législatives garantissant la non-repétition des violations massives des droits de l’homme. Pour terminer, la Guinée ne peut pas faire l’économie d’un droit à la vérité, gage de la justice, tant classique que transitionnelle, pour amorcer un processus de réconciliation nationale en vue de son développement harmonieux au bénéfice de toutes et tous les guinéens.
Conakry, le 30 mars 2021
Dr Thierno Souleymane BARRY,
Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour